Jersey, 28 mars 1854, matin 11h.
Hâvre des pas près St Hélier [ Angleterre ? ] maison Rich Land
Bonjour, mon cher petit homme, bonjour. Voici un temps à vous manger tout cru mais vous ne m’en ferez pas moins jeûner sous prétexte de poste, de travail, de Chaumontel et son train. Je le sais, je bisque et je rage, telle est mon habitude. À propos, vous savez, l’indécrottablea Collet ? eh bien, je l’ai si bien brossé hier que je doute qu’il s’expose jamais à une seconde houspillade du même genre par moi. Je sais que cela vous contrariera, et que cela choquera vos traditions élégantes et parlementaires, mais je m’en fiche. D’abord l’affreux bonhomme se met de lui-même hors la loi de la politesse et des convenances sociales et d’ailleurs je ne consentirai jamais à ce qu’on vous manque de respect devant moi et chez moi. Chaque fois qu’on le tentera on éprouvera les mêmes rebuffades et la même indignation. Ceci aussi bien pour les démagogues que pour les royalistes dont les aspirations politiques sont les mêmes au fond. Il y a plus de rapport et de similitude, de basse envie et de jalousie impuissante qu’on ne croirait d’abord entre le vieux Collet et le jeune Francis Lacombe. Quant à moi, je les confonds dans la même répulsion et je leur applique la même raclée AD HOMINEM. Voici les DAMES Téléki et Cauvet qui passent l’une après l’autre à dix pas de distance, l’une accompagnant le boiteux Lefèvre, l’autre s’appuyant sur le bras d’un beau-fils hybride. Cette [partie ?], plus ou moins CARRÉE, se dirige vertueusement vers la jetée pour voir arriver de plus loin les cornes andouillères de leurs époux apocryphes. Touchante sollicitude bien digne d’inspirer le respect et l’admiration aux cocus de la république universelle démocratique et sociale avec laquelle j’ai l’honneur d’être votre féroce Juju.
BnF, Mss, NAF 16375, f. 124-125
Transcription de Chantal Brière
a) « indécrotable ».