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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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29 octobre [1849], lundi matin, 8 h.

Bonjour, mon doux petit homme ; bonjour, je t’aime. Tu es charmant et bon au-delà de toute expression, mais qu’est-ce que cela prouve pour ton amour ? Tu es charmant, parce [que] c’est ta nature, tu es bon parce que tu as la sublime et suprême intelligence, mais que tu m’aimes cela ne le prouve pas le moins du monde et j’en suis toujours pour ce que j’en ai dit. J’ai beau vouloir me faire illusion, les faits sont là pour me convaincre à la triste évidence. Tant qu’il ne me sera pas prouvé que tu en aimes une autre peut-être aurai-je le courage de me résigner à mon sort. Mais le jour où je me saurai remplacée dans ton cœur aucune puissance humaine ne pourra m’empêcher de te fuir aussi loin que je pourrai. Non comme vengeance envers toi qui ne pourraisa pas désirer autre chose que cela, mais par un sentiment de désespoir que rien ne pourrait consoler. Voilà pourquoi, mon adoré, je vous fuiraib comme une pauvre bête fauve blessée à mort. En attendant cette preuve que je ne désire pas, Dieu le sait, je vous aime comme si j’étais sûre d’une parfaite réciprocité. Seulement j’ai bien peur de ne pouvoir pas vous accompagner aujourd’hui à cause du D. [1] que j’attendrai à partir de midi. Pourvu qu’il vienne encore aujourd’hui et que vous n’alliez pas à l’Assemblée sans me voir ? J’en ai bien peur. Baisez-moi et craignez-moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 287-288
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse
[Souchon]

a) « pourrait ».
b) « fuierais ».


29 octobre [1849], lundi après-midi, 1 h.

J’aurais bien désiré t’accompagner à l’Assemblée, mon adoré bien-aimé, et profiter avec toi de ce dernier rayon de soleil, mais la nécessité d’attendre le D. me cloue chez moi. Encore s’il venait aujourd’hui, mais c’est que rien n’est moins sûr et je me vois aux arrêts forcés indéfiniment. C’est peu amusant. J’ai cherché ce matin le dossier de cette affreuse usurière R. [2]. Dans le reçu qu’elle m’a donné il n’y a pas son domicile, mais heureusement j’ai retrouvé son adresse écrite dans un livre destiné à cela. M. D. pourra donc y aller quand il voudra. Seulement il me semble que tu ne m’as pas assez précisé ce que tu veux que je lui dise à la lettre, car je sais très bien ce que tu désires qu’il fasse, c’est-à-dire de te mettre, toi et les tiens, à l’abri de toute réclamation de mauvaise foi de la part de cette créature quant aua présent et à l’avenir. Je pense qu’il n’y a pas besoin d’explication plus nette et plus claire que celle-là pour que le D. comprenne ce que tu attends de son obligeance. Peut-être faudra-t-il l’adresse exacteb DE Guyot. Je sais que c’est rue de Ménars [3] mais je ne me souviens plus du numéro. Mais tout cela mon adoré n’est pas ce qui me préoccupec le plus. Ce qui me tourmente, c’est que je ne te conduirai pas aujourd’hui et que je ne te verrai peut-être pas avant ce soir. Voilà ce qui m’inquiète et me rend très malheureuse.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 289-290
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « quant à ».
b) « exact ».
c) « préocupe ».

Notes

[1Il s’agit vraisemblablement de M. Démousseau, chargé en 1843 de rédiger l’acte authentique de remboursement des dettes de Juliette Drouet.

[2L’usurière Ribot.

[312, rue Ménars.

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