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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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7 octobre [1849], dimanche matin, 7 h.

Bonjour toi, bonjour mon petit homme aimé, bonjour, mon grand poète admiré, bonjour, mon généreux homme, bonjour.
J’espère que tu viendras travailler auprès de moi tantôt ? C’est bien le moins que tu me donnes ce temps-là puisque je m’en contente et que ton loisir ne m’est pas destiné. Je te promets d’être bien sage et de ne pas faire de bruit. Je ne suis méchante et bruyante que lorsque tu te fais trop attendre. Hors cela je suis très bien dressée, convenez-en vous-même.
Il paraît que tu parleras prochainement à l’Assemblée d’après le travail que je te vois faire et la préoccupation sérieuse de ton esprit [1] ? Je ne te demande pas à assister à cette séance parce que tu m’as déjà prévenue que c’était impossible et que je ne veux pas te fatiguer inutilement de mes prières. Cependant ce sera un grand crève-cœur pour moi de ne pas assister à cette séance intéressante. Si par impossible, tu pouvais avoir avec des billets pour ce jour-là dans les tribunes hautes, je les accepterais avec enthousiasmea dans l’espoir de t’entendre. Mais je n’y compte pas. Aussi, je ne t’en parle que pour tromper mes regrets.
Pense à moi, aime-moi et je serai la plus heureuse des femmes.

Juliette

Collection particulière
Transcription de Pascal et Emmanuel Barat, annotation de Florence Naugrette

a) « enthousiasmes ».


7 octobre [1849]a, dimanche matin

Quel temps, mon pauvre bien-aimé : c’est à ne pas mettre un représentant à la porte. J’espère cependant que tu viendras te réfugier chez moi et je me dépêche de tout mettre en place pour te recevoir et t’installer dans mon logis en maître que tu es. D’ailleurs il n’est pas probable que les solliciteurs et surtout les SOLLICITEUSES se mettent en route par ce temps hideux. Je compte donc que tu pourras venir de très bonne heure travailler auprès de moi, à moins que tu n’y mettes de la mauvaise volonté, ce qui n’est pas impossible. Ah ! que je vous y prenne, Monsieur Toto, et vous aurez affaire à une Juju démocratique et peu sociable qui vous en fera voir des foncées. Dépêchez-vous de faire votre toilette et venez, car je vous attends avec toutes sortes d’impatiences. Je vous le conseille dans votre intérêt bien entendu, si vous voulez hériter de ma petite maison de dix mille francs. Sinon, je la lègue à un autre plus empressé et plus assidu que vous, ce qui ne sera pas difficile à trouver. C’est aujourd’hui même que je prends possession de ma propriété. Je profite de l’absence de Proudhon pour me permettre cette facétie compromettante. Dieu et l’abbé Roux [2] aidant, je vais être propriétaire tout à l’heure [3]. Quel bonheur !!!!!!!

Juliette

Collection Claude de Flers (juin 2013)
Transcription de Florence Naugrette et Evelyn Blewer

a) ajouté d’une autre main.

Notes

[1Victor Hugo prononcera le 19 octobre à l’Assemblée un discours sur l’expédition de Rome. Sous le titre Affaire de Rome, ce discours est publié dans Actes et Paroles 1, Laffont, « Bouquins », vol. Politique, p. 207. Hugo y dénonce le maintien du corps expéditionnaire français à Rome. Il estime que l’Assemblée constituante française qui avait voté l’envoi du corps expéditionnaire pour défendre la liberté italienne a été trompée, et utilisée malgré elle pour rétablir le gouvernement clérical à Rome. Cette protestation est l’un des moments décisifs de son évolution vers la gauche de cette assemblée, comme l’a montré Guy Rosa dans « Comment on devient républicain ou Hugo représentant du peuple », Revue des Sciences Humaines, 1974, no 4 .

[2Louis Roux, fondateur de l’œuvre Saint-Antoine, est l’auteur d’un acte de candidature Aux ouvriers du faubourg Saint-Antoine non daté mais probablement publié en 1848.

[3On ignore de quelle « propriété » parle ici Juliette Drouet, qui se moque de Proudhon et de sa célèbre formule « la propriété, c’est le vol ».

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