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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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12 juillet [1849], jeudi matin, 6 h. ½

Bonjour, mon Toto aimé, bonjour, vous, bonjour, toi, bonjour. Je serais en droit de vous grogner mais je m’abstiens ne pouvant pas faire autrement. Je renonce à ce genre de répression qui est tout à fait insuffisantea et dont vous vous moquez comme d’un règlement. Seulement si j’avais vos vingt-cinq francs [1] à ma disposition, je vous IMPOSERAIS l’exactitude de vive force et de l’amour à tant la séance. Que faites-vous aujourd’hui, mon Toto ? C’est jour d’Académie. Irez-vous à la Chambre auparavant ? À quelle heure faudra-t-il me tenir prête ? Si vous m’aviez fait l’honneur de venir me voir hier au soir vous m’auriez informée de toutes ces choses ; maintenant il faut que je m’en rapporte à ma propre inspiration qui n’est rien moins qu’éveillée. Je serai prête dans tous les cas à midi. Libre à vous de ne venir qu’à trois heures puisque je vous attendrai. Cher adoré, je ne peux pas te bouder plus longtemps parce qu’au fond mon cœur t’excuse et que je sais combien tu es pris par toutes sortes de gens et de choses. J’espère que tu m’auras plainteb et peut-être un peu regrettée ? Je me fais une sorte de consolation de ne t’avoir pas vu hier au soir avec cette pensée-là et je t’aime avec toute l’ardeur d’une femme heureuse.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 199-200
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « insuffisant ».
b) « plaint ».


Jeudi matin [1849], 12 juillet, 11 h.

La matinée me semble bien longue, mon petit homme, et je crois que je n’arriverai jamais à l’heure où je dois te voir. Cela tient à ce que je ne t’ai pas vu depuis bientôt vingt-quatre heures - c’est-à-dire vingt-quatre siècles pour mon impatience et pour mon amour. Comment vas-tu ? À quelle heure es-tu revenu de chez Mme de Girardin ? T’y es-tu un peu amusé ? As-tu pensé un peu à moi ? Je te demande tout cela comme si tu pouvais me répondre, mais je m’aperçois bien à la tristesse de mon pauvre cœur que tu ne m’entends pas. Dépêche-toi de venir, mon petit homme, pour que je reprenne du courage à la vie. Jusque-là je serai comme une pauvre Juju sans âme n’ayant de goût et de cœur à rien.
Hier je suis allée à l’exposition des tableaux mais la foule y était si grande qu’il était impossible de rien voir, aussi je me suis occupée à regarder les vieux plafonds et les vieilles peintures du palais dans lesquels il y a des trous de balles si frais à l’œil qu’on les croiraita faits de la veille. Puis je suis revenue chez moi où je t’attends depuis hier avec tout mon cœur et tout mon amour.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 201-202
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « croiraient ».

Notes

[1Indemnité quotidienne d’un représentant du peuple.

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