31 décembre [1845], 1 h. après midi
Bonjour, petit Toto bien aimé, bonjour, cher adoré, je te prie de croire que je ne sors pas du lit mais du bain. Je me suis levée ce matin à 7 h. ½ pour pouvoir faire le plus gros de mes affaires avant de me tremper. Et puis en sortant de l’onde, j’ai déjeuné par égard pour l’estomac de cette pauvre Eulalie, et puis, et puis, j’ai envoyé chez vous, j’ai épluché votre raisin et me voici griffouillant toutes ces niaiseries comme si c’était bien intéressanta pour vous. Mon Victor chéri, mon cher amour, mon cœur saute de joie en pensant que demain à cette heure-ci j’aurai reçu ma chère petite lettre d’étrennes [1]. Je me surprend à pousser mes genoux et mon corps en avant avec un mouvement d’impatience comme si cela pouvait faire avancer l’heure de mon bonheur. Cela m’arrive souvent quand je pense à toi. C’est un mouvement dont je ne me rends pas compte mais que je fais presque toujours quand je te désire. À demain donc, mon cher petit bien-aimé, pour lire et baiser votre adorable petite lettre. À tout à l’heure pour vous baiser vous-même et à toujours pour vous adorer.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16361, f. 321-322
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « interressant ».
31 décembre [1845], 10 h. ¾
Dans quelques quarts d’heurea, nous serons à demain, mon Victor bien aimé, c’est-à-dire au jour où je peux espérer une bonne petite lettre de toi. Je suis sûre que j’en vais rêver cette nuit. En attendant, j’en rabâche, car depuis ce matin, je ne t’ai pas dit autre chose et je n’ai pas pensé à autre chose. Mais aussi, c’est bien bon une lettre de son Toto adoré. C’est bien dommage que le jour de l’an ne soit pas tous les jours et qu’il faille attendre son bonheur trois cent soixante-quatre jours. Heureusement qu’il ne me reste plus à peu près que le même nombre de minutes à attendre pour être la plus heureuse des femmes. C’est bien le moins, mon Dieu, puisque je ne pourrai pas t’avoir à moi toute seule toute la journée, que j’aie ta chère petite lettre à baiser et à adorer. Je crois que te voici.
JE T’ADORE.
BnF, Mss, NAF 16361, f. 323-324
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « quarts d’heures ».