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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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28 décembre [1845], dimanche matin, 10 h. ¼

Bonjour, mon Toto bien-aimé, bonjour, le plus généreux, le plus doux et le plus adorable des hommes. Bonjour et bénédiction à toi et à tous ceux que tu aimes. Ne regrette pas le petit chagrin involontaire que tu m’as fait hier puisqu’il est cause de bien douces et de bien tendres réparations de ta part. J’achèterais par tous les chagrins que tu voudrais le bonheur de t’entendre m’en demander pardon avec des mots si ravissants et si doux qu’il me semble que tout mon être se fond de joie et d’attendrissement. D’ailleurs ce n’était qu’un malentendu et nous étions parfaitement d’accord au fond, comme toujours. Mon Victor chéri, mon amant bien aimé, je t’aime plus que plein mon cœur, plus que plein le monde entier, le ciel et les étoiles. Je t’aime dix cent millea, combien il y a de rayons sur la terre...b Le jour où tu ne voudras plus de mon amour, je mourrai. Tu le sais et tu sais aussi que tout mon bonheur est en toi. Maintenant je suis tranquille et je ne pleure plus du tout. Je te souris, je te porte et je t’attends. Tâche de venir bien vite et je serai la plus heureuse des femmes. En attendant, je t’aime, je te baise et je t’adore. Je vais écrire à Bruxelles [1] et à Brest [2] bien vite.
Jour, Toto, jour, mon cher petit o, je vous aime, qu’on vous dit.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 309-310
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « dix cent milles ».
b) Deux lignes entières de points ont été tracées.


28 décembre [1845], dimanche soir, 10 h. ½

Mon cher petit bien-aimé, me voici seule et j’en profite pour vous dire que vous êtes mon bijou adoré que j’aime trop et que je ne veux ni ne peux aimer moins. Vous avez voulu me tourmenter ce soir avec vos femelles diplomatiques mais vous n’y avez pas réussi. Hein ! ça vous attrapea. Vous avez essayé de séduire mes péronnelles mais vous en avez été pour vos frais de belles dents, de cheveux noirs, de sourires ravissants, d’adorables petites mains blanches, de CRACHATS et de ROUPIES. Vous avez beau faire et prendre vos airs les plus vainqueurs, vous ne réussirez pas, ces petites filles étant à l’épreuve du pair de France. C’est bon pour vos GUENUCHES [3] plus ou moins panachées ces manières-là. Et puis que je vous y prenne même avec ces vieilles guenons et vous verrez de quel bois je me mouche. Je veux bien rire avec vous devant le MONDE mais sérieusement je vous flanquerai des bons coups si vous me donnez le moindre sujet de jalousie et de chagrin. Tenez-vous-le pour dit.
Pauvre bien-aimé, qu’est-ce que tu vas dire ce soir quand tu trouveras d’ignobles pommes à la place de ton bon raisin ? Il a été impossible d’en avoir aujourd’hui. J’en suis on ne peut pas plus contrariée, car, outre le plaisir de te voir faire ton mâchis, je sens que tu en as besoin pour rafraîchirb ton cher petit corps fatigué et échauffé par le travail. Je suis furieuse contre le marchand, contre la saison et contre le bon Dieu.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 311-312
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « attrappe ».
b) « raffraichir ».

Notes

[1Juliette tient une correspondance suivie avec son amie Mme Luthereau qui réside à Bruxelles.

[2Juliette va écrire à sa sœur et à son beau-frère, Renée et Louis Koch.

[3En argot populaire, « femme laide ».

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