20 novembre 1845

20 novembre [1845], jeudi matin, 9 h.

Bonjour, Toto, bonjour, mon petit Toto, bonjour, mon cher petit Toto, je t’aime, et toi ? Il fait joliment beau ce matin. Toutes mes croisées sont déjà ouvertes. Je suis trop heureuse dès [que  ?] vient^a un instant de beau temps de donner de l’air à mon appartement. Tu vas pouvoir marcher aujourd’hui sans craindre d’être noyé. Vous devriez, chemin faisant, me conduire chez M^me Cauchot ou chez Génevoy à votre choix. Ma couturière vient aujourd’hui et j’ai besoin de lui donner l’adresse de l’un des deux pour qu’elle y porte ma robe, et il faut que j’aie choisi mon dessin. Si toutes ces raisons ne vous apitoient^b pas assez pour vous décider à m’y mener aujourd’hui, vous êtes un profond scélérat endurci dans le crime de qui je n’attends plus rien que la mort. Voime, voime, baisez-moi en attendant. Plus vous me rendrez malheureuse et plus je vous aimerai. Voilà mon opinion.
Cher petit bien-aimé, comment vas-tu ce matin ? As-tu un peu dormi avec tout ça ? Quand tu t’en vas de chez moi, il est pourtant assez tard pour que tu songes à te coucher. Tu feras tant que tu te rendras malade, tu verras cela. Ô mon Dieu, je ne veux pas penser à cette possibilité, car je ne sais pas ce que je deviendrais d’avance. J’aime mieux croire que tu seras prudent et que le bon Dieu aura pitié de toi et de moi. C’est là-dessus que je me fie pour me tranquilliser un peu. Mon Victor, je te supplie de te ménager.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 171-172
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « [qu’un  ?] vient ».
b) « appitoient ».