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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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26 octobre [1845], dimanche matin, 9 h. ¼

Bonjour, mon petit Toto chéri, bonjour, mon doux, mon charmant petit bien-aimé, je pense à toi, je t’aime. Je suis levée depuis sept heures et je ne commence seulement à t’écrire qu’à présent. La faute en est à tous les trente-six tours que j’ai à faire tous les matins pour préparer la besogne de Suzanne qui, sans cette précaution, la ferait à moitié. Ma péronnelle rentre à l’instant de la messe. Je n’ai pas encore pu la voir un instant seule depuis hier. Cependant j’ai besoin de lui parler sérieusement et en tête-à-tête. J’espère qu’elle reviendra assez tôt de chez ces messieurs [1] pour que je puisse avoir avec elle une petite conversation intime. Je te remercie, mon Victor chéri, d’être aussi bon pour elle et pour moi que tu l’es. Il n’y a que toi au monde pour avoir cette bonté ineffable de tous les jours et de tous les instants. Je t’admire autant que je t’aime, mon Victor. Tu es ce qu’il y a de plus beau, de plus doux, de plus grand, de plus charmant et de plus adorable au monde, je te le dis du fond du cœur.
Tâche de venir ce matin, mon petit bien-aimé, cela me donne de la joie pour toute la journée quand je t’ai vu le matin. Je ne peux pas m’empêcher d’être triste tant que tu n’es pas venu. Je baise tes quatre petites pattes blanches et bien autre chose [avec  ?].

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 83-84
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette


26 octobre [1845], dimanche après-midi, 4 h. ½

Je t’attends, mon Victor chéri, je me suis faite belle pour te recevoir et cependant tu n’en viens pas plus vite. C’est peu encourageant. Je ne sais pas ce que tu diras de ma beauté, j’en suis assez inquiète, car je crains qu’elle ne soit pas de ton goût et je ne pourrais pas la changer. Cela me contrariera plus que je ne peux dire si je n’ai pas réussi à faire faire ma robe à ton goût. Ce sont des enfantillages mais j’y attache autant d’importance que les autres en attachent à des prétendues choses sérieuses. Te plaire est l’affaire capitale de ma vie. Je ne m’en cache pas. Et quand j’ai manqué mon but, soit d’une façon, soit d’une autre, je suis très malheureuse.
J’ai eu avec Claire tantôt l’entretien que je voulais avoir. Elle a beaucoup pleuré. J’espère que ce sont de vraies larmes de regret et de confusion. Elle m’a parua très convaincue de ses torts et par cela même disposée à n’y plus retomber. Nous verrons si mes prévisions sont justes et ce que cela deviendra à la longue. Elle est allée chez ces messieurs [2] ce matin. Elle a fait une très bonne dictée à cela près de harRangue, une assez bonne composition à cela près de Habraham. J’ai un peu l’air d’une pelle dans ce moment-ci mais cela m’est permis, tandis qu’elle est impardonnable d’être un fourgon d’ignorance. Somme toute, on lui a fait faire sa demande et elle sera appelée, sinon élue, d’ici à un mois [3]. Baise-moi, mon Victor chéri, et dépêche-toi de venir me voir dans ma belle robe et dans mon plus bel amour.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 85-86
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « elle m’a parue ».

Notes

[1Les répétiteurs de Claire, MM. Varin et Dumouchel.

[2Les répétiteurs de Claire, MM. Varin et Dumouchel.

[3Claire attend une date de convocation à l’examen d’institutrice. Elle a échoué à l’examen le 12 juin 1845. Elle passera de nouveau l’examen en février et mars 1846, sans succès.

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