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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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24 octobre [1845], vendredi matin, 8 h. ¼

Bonjour, mon petit Toto chéri, bonjour, mon cher amour, bonjour, mon bon petit bien-aimé, bonjour, je t’aime. Je ne t’ai pas vu hier, car je ne peux pas appeler te voir l’apparition que tu as faite dans la nuit et au plus fort de ma migraine. Tout ce dont je me souviens, car cela m’a poursuivi en rêve toute la nuit, c’est que tu as vu hier une jeune et jolie femme et que tu t’y intéressesa. Je ne demande pas mieux que tu rendes tous les services du monde à toutes les femmes, même à celles qui sont jeunes et jolies, mais je ne veux pas que cela aille plus loin. Aussi je prendrai la liberté de te demander souvent si cette dame est revenue et où tu en es avec elle. Cela ne sera peut-être pas très bombé, pour parler le langageb de l’Académie, mais cela me tranquillisera peut-être. À propos de tranquillité, je voudrais bien savoir enfin si j’en suis quitte avec mes cheminées et tout ce qui s’ensuit. Je frémis à l’idée d’avoir encore ces hideux fumistes. Je crois qu’ils n’ont pas peu contribué à me donner le suprême mal de tête que j’avais hier. Aujourd’hui je n’en ressens plus que la courbature. C’est bien assez. Il fait un temps ravissant. Si tu peux me faire sortir ce soir, je ne refuserai pas. En attendant, j’espère que tu viendras d’ici là, car j’ai bien besoin de te voir. La journée d’hier m’a paruc si longue que j’envisage avec effroi la possibilité que celle-ci lui ressemble. Tâche de venir, mon Victor chéri, je t’en supplie.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 75-76
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « tu t’y intéresse ».
b) « le language ».
c) « m’a parue ».


24 octobre [1845], vendredi après-midi, 3 h. ½

Mais qu’est-ce que vous faites donc, vieux vilain, que vous ne venez pas ? Si j’osais être méchante, je le serais de tout mon cœur, car je suis bien impatiente et bien triste. Votre bonnetier vient de venir tout à l’heure avec une ceinture beaucoup trop grande à ce qu’il m’a paru. Il veut la vendre 15 francs en raison de sa grandeur. Je n’ai pas voulu prendre sur moi de l’acheter et il l’a laissée pour que tu la voies. Je suis très contrariée de ce qui arrive avec les soies. Je crains d’avoir l’air d’une intrigante ou d’une imbécilea vis-à-vis ces Génevoy. Je m’attends à les voir arriver d’un instant à l’autre, ce qui ne sera pas très drôle !
J’ai là depuis ce matin une lettre de Mme Guérard. Je t’attends pour l’ouvrir. Selon sa louable habitude, elle a mis l’adresse tout de travers de sorte que son gribouillis a été se promener rue neuve Saint-Eustache.
Heureusement que cela m’est égal. Je voudrais bien que votre absence me fît le même effet. Je ne compterais pas les secondes et les minutes comme je le fais et je ne me donnerais pas mal à la tête à force de vous désirer.
Taisez-vous, méchant homme, je crois que je ne vous aime plus. Voime, voime, c’est bien croyable de la part d’une bête de Juju comme moi. Cela ne me va pas de faire la bombée. On voit que je ne suis pas familiarisée avec cette profession. La platitude me va mieux. Jugez-en d’après cet échantillon : je vous aime plus que jamais.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 77-78
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « une imbécille ».

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