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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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10 août 1842

10 août [1842], mercredi matin, 8 h. ¼

Bonjour mon Toto bien aimé. Bonjour mon petit homme chéri. Comment que ça va ? Comment va le petit garçon ? [1] Si tu pouvais venir me le dire de bonne heure je serais bien contente. Ne te tourmente pas mon petit homme chéri, tu verras que ton cher petit enfant ira de mieux en mieux. Soigne-toi [2], mon pauvre amour, et dépêche toi de guérir pour que je sois bien heureuse. Je te promets de ne plus m’informer du jour de la distribution du prix de Charlot [3]. Je ne veux pas te troubler ce jour-là – puisque d’ailleurs cela m’est égal et que l’important était que le gamin eût des prix et que tu fusses heureux. Mon tour viendra quand il pourra, dès que tu seras guéri et que tu seras sorti tout à fait d’inquiétude sur ton petit Toto, je deviendrai très exigeante et je te demanderai plusieurs culottes successives ; mais d’ici là je ne bouge pas.
Tu paraissais bien triste cette nuit mon pauvre bien-aimé, cependant il n’y avait pas de rechute et le petit garçon n’avait plus sa douleur dans le dos. Je crains que ce ne soit fatigue et tourment d’argent pour moi. Si cela était, mon adoré, il faut me le dire tout bonnement puisque nous avons encore quelques petites ressources, il est tout simple que nous nous en servions dans des temps difficiles comme ceux-ci. Pour moi, je serai trop heureuse de contribuer à te donner un moment de tranquillitéa et de repos. Pense à cela mon adoré et ne te gêne pas plus qu’avec toi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16350, f. 37-38
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette

a) « tranquilité ».


10 août [1842], mercredi après midi, 2 h.

Mon petit bien-aimé, je vous adore mais je n’ose pas vous embrasser à cause de l’affreuse chaleur qu’il fait. Peut-être ne vous en apercevez-vousa pas mais moi je suis ruisselle, je n’en peux plus. Si ce temps continue, je suis capable de bouillir dans mon petit coin comme une petite MARMITEb qu’on vient d’écumer. Jamais je n’ai eu aussi chaud si ce n’est le jour où nous sommes allés de CHOSE à CHOSE, comment donc ? avec pierre mal peigné tu sais bien ? J’espère que mes impressions de voyage ne manquentc pas de charme ni de pittoresque. Voilà comme je suis et je ne m’en fais pas honneur ni gloire parce que je suis modeste, moi ! Voilà ! Attrape ça champagne c’est du lard [4], mais tout ceci ne me rafraîchitd nullement et j’ai plus chaud que jamais.
Mon cher adoré, j’allonge la courroie tant que je peux pour ne pas te demander ce qui me tarde pourtant bien de savoir. Comment va ton enfant ? Comment tu vas toi-même et si tu es toujours triste et si je te verrai bientôt ? Seulement comme je n’ai absolument que cette pensée dans l’esprit et que ce besoin dans le cœur, dès que je l’ai dit, je ne sais plus de quoi remplir mes pages si ce n’est de baisers les plus tendres.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16350, f. 39-40
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette

a) « appercevez-vous ».
b) « marmitte ».
c) « manque ».
d) « raffraîchit ».

Notes

[1François-Victor Hugo se remet d’une grave maladie pulmonaire.

[2Victor Hugo souffre depuis plusieurs jours d’un mal de gorge et de goutte.

[3Charles Hugo a remporté un prix au concours général (il a remporté celui de thème latin en 1840) qu’il recevra lors d’une cérémonie en Sorbonne à laquelle son père va assister.

[4« Attrape ça champagne, c’est du lard » : phrase goguenarde dont on se sert pour railler quelqu’un à qui l’on a joué un tour, et que l’on est parvenu à attraper, à prendre dans quelque piège (Dictionnaire du bas-langage ou des Manières de parler usitées parmi le peuple : ouvrage dans lequel on a réuni les expressions proverbiales… les sobriquets… les barbarismes…, C. d’Hautel, éditeur F. Schoell (Paris), 1808, BNF, Gallica).

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