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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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28 juillet [1842], mardi après-midi, 3 h.

Me voici dans mes petits papiers jusqu’au cou mon amour, puisque vous ne voulez pas m’en apporter de grands sous aucun prétexte. Et à ce sujet, je dirai que je ne comprends pas du tout l’obstacle qui existe entre un format de papier plus grand et un autre plus petit ? Je crois que vous ne sauriez pas le dire non plus vous ? Si ce n’est que vous êtes une grosse bête et un vieux taquin. Voilà ce que vous êtes et un vieux podagre par-dessus le marché tout plein d’affreux remèdes [1]. Taisez-vous et tâchez de ne pas attendre à minuit pour m’offrir de sortir. Quand vous voudrez me prouver que vous êtes encore en vie, vous aurez la bonté de ne pas attendre jusqu’à midi pour fournir vos preuves sinon je ferai comme aujourd’hui, je vous refuserai net COMME DOMINUS. Vous entendez, n’est-ce pas mon cher petit blaireux. A bon entendeur salut. Aussi c’est dit. Il me semble mon cher petit que vos ravissantes petites pattes vont mieux ? Est-ce que vous ne cesserez pas bientôt tous ces hideux remèdes qui vous font ressembler à un droguiste ambulant. Je crains que tous ces colchiques ne vous détruisent l’estomac. Si j’étais à votre place je serais très sobre de ce nectar et j’userais un peu plus souvent et de plus bonne heure de la vieille chichi.

BnF, Mss, NAF 16349, f. 297-298
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette


28 juillet [1842], jeudi après-midi, 3 h. ¼

C’est encore moi, mon Toto, avec mon petit papier, j’ai encore quelque chose à vous dire de très intéressant. Je vous aime d’amour, mon Toto, si vous ne le saviez pas je vous l’apprends avec toutes les précautions usitées en pareil cas afin que cela ne vous saisisse pas à quatre [places  ?] si, comme c’est très probable, vous ne vous en doutiez pas. Foime foime [2] peaucoup te brégausions bour ne bas vaire dourner le lait à Monsire Dodo. Mon Dieu, quel beau temps et comme j’aurais été bien en train de sortir avec vous si vous l’aviez voulu. Quel dommage que je ne sois pas la maîtresse et que toutes ces choses-là ne dépendent pas de moi. Vous verriez un peu comme je vous en flanquerais des bosses et à moi aussi de sorties, de déjeuners, de Marronniersa, de voyages et autres accessoires un peu chenus. Hélas ! hélas ! hélas ! J’en pousserais jusqu’à demain de tous pareils que ça n’exprimerait pas tous mes regrets et tout mon chagrin de n’être qu’une pauvre vieille Juju à l’attache comme un chien dans sa niche. Taisez-vous, monstre d’homme, vous devriez rougir si vous aviez seulement un peu de cœur. Mais vous n’en avez pas, c’est bien sûr et je perds mon temps, ma belle jeunesse et mon beau style à vous en faire honte, vous ne m’écoutez pas.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 299-300
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

a) « Maronniers ».

Notes

[1Hugo soigne une crise de goutte avec du vin de colchique.

[2« Voime voime, beaucoup de précautions pour ne pas faire tourner le lait à Monsieur Toto. »

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