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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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24 juillet [1842], dimanche matin, 10 h. ½

Bonjour mon Toto chéri, bonjour mon cher amour, comment vas-tu mon Toto bien-aimé ? Comment vont tes petites mains ? Comment le petit convalescent a-t-il passé la nuit ? As-tu bien dégustéa ton vin de colchique, en as-tu encore pour longtemps à t’enivrer de cette charmante boisson ? Je commence à trouver cette ORGIE ECHEVELEE sans VIS-A-VIS un peu bien monotone et j’ai bien envie de m’y mettre ne fût-ceb que pour vous tenir compagnie. Pour cela, vous voudrez bien me donner un peu de vos manadies afin que j’use du remède et que j’aie le plaisir de trinquer avec vous, ne pouvant pas faire autre chose. En attendant je me brosse le ventre au soleil. Je suis toujours furieuse contre cette vilaine [illis.]. J’entends et je prétends que toutes les femelles, plus ou moins hideuses, que je reçois chez moi, vous aiment et vous admirent. Si elles étaient jolies, à la bonne heure, je leur permettrais de vous détester, de vous trouver bête et laid, et je les y encouragerais. Mais quand on est noire et maigre comme un paratonnerre et bête comme un chou comme cette grande envieuse, on n’a pas le droit de ne pas vous admirer aveuglément, même sans y rien comprendre, mais par la seule raison que vous êtes admiré, vénéré et adoré par moi. Aussi je suis furieuse contre cette grande [illis.]. Sur ce, baisez-moi mon cher adoré et guérissez-vous bien vite et venez encore plus vite me voir.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 281-282
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

a) « déguster ».
b) « fusse ».


24 juillet [1842], dimanche après-midi, 2 h. ¾

Pas plus de Ledon que dessus la main. Je commence à croire qu’il pourrait bien être crevé. Seulement je voudrais en être sûre pour n’avoir pas à l’attendre tous les jours comme je le fais depuis jeudi. J’ai écrit à sa femme de me dire ce qui en était, j’attends encore sa réponse. Je m’aperçois que j’ai fait une boulette en prenant mon papier à l’envers. Je m’aperçois en outre que je suis stupide avec mes infortunes de MERLAN FRIT et que j’ai bien autre chose à dire, à commencer par ce que j’ai dans le cœur : Je vous aime, je vous adore et je vous aime. Mettez ça [à] la sauce la plus piquante que vous pourrez, vous me rendrez service car ce n’est pas ma partie que l’assaisonnement et mes douceurs ne sont rien moins que salées. Si vous ne comprenez rien à ce coq-à-l’âne, tant pis pour vous. Tout ce que je peux faire moi-même, c’est de me rendre compte que je vous aime de toute mon âme et que je suis bête comme une oie. Quand te verrai-je mon pauvre amour, quand pourrai-je baiser tes pauvres petites pattes blanches ? Je suis si heureuse dès que j’aperçois le bout de ton cher petit nez que je voudrais bien le voir toujours. Tâche de venir bien vite mon cher amour, je serai bien joyeuse, surtout si tu ne souffres pas, ni ton cher petit garçon non plus.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 283-284
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

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