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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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4 juillet [1842], lundi matin, 8 h. ¾

Bonjour, mon Toto bien-aimé, bonjour mon adoré petit homme, comment va ta chère petite patte ce matin ? Comment va ce pauvre petit Toto ? J’ai rêvé de vous deux toute la nuit mes chers petits, c’est bien dommage que le rêve ne dure pas encore car nous étions tous bien heureux. Je pense, mon cher adoré, que tu ne seras pas venu ce matin à cause de cette hideuse opération, c’est bien absurde. Mais alors pourquoi ne pas venir les autres jours ? Nous voici entièrement libres et entre nous tout à fait, est-ce que tu ne viendras pas plus souvent ? Pense, mon cher amour, que je n’ai pas d’autre joie, pas d’autre bonheur que de te voir. Quand tu me manques, tout me manque, je ne sais plus que devenir, il me semble que c’est l’air et la vie-même qui me manquent. Ce ne sont pas des mots en l’air, mon adoré, des banalités d’amoureux, des lieux communs que tout le monde emploie et que très peu de gens sentent. Moi c’est la sainte [vérité] comme Dieu la voit lorsqu’il regarde dans mon âme. Te voir pour moi, c’est espérer, c’est vivre. Tâche de venir tout à l’heure mon cher adoré, tu me combleras de joie pour le reste de la journée et j’en ai bien besoin car la pensée de ton petit garçon malade et de toi souffrant me rend ton absence encore plus insupportable. Je t’aime, mon Victor adoré, je t’aime à genoux.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 209-210
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette


4 juillet [1842], lundi soir, 6 h. ¾

Vous revenez comme le chien à Jean de Nivelle qui s’en va quand on l’appelle [1], méchant homme, vous voulez que je sois contente ? Il n’y a pas de danger, par exemple, je suis bien trop bête pour ça. Je le devrais pour vous punir mais je ne le peux pas. Pour me [requinquer  ?] le père Ledon s’est escrimé sur ma hure, mais je t’assure, toute coquetterie à part, qu’il serait urgent, dans l’intérêt de ma pauvre perruque, que l’opération se fît moins souvent et que les cheveux fussent soignés tous les jours par un homme de l’art. Pense à cela dans ta chère petite caboche et regarde s’il est temps de récolter l’oignon que j’ai semé avec tant de peine dans ton terrain inculte. Jour Toto, jour mon cher petit o. Comment va ta pauvre petite patoche ? Il me semble qu’elle était un peu désenflée tantôt. Si tu ne l’as pas refatiguée, elle doit aller de mieux en mieux. Mais je crois que tu ne fais l’invalide qu’avec moi et que tu fais le fier à bras avec toutes les autres faumes de ta connaissance. À propos d’invalide, voici une lettre de mon père [2] que je n’ai pas ouverte, je t’attends pour la lire, mon adoré. Penaillon est venue, je lui ai acheté pour toi et pour moi une magnifique demie douzaine de mouchoirs, chose dont nous ne regorgeons pas assez. Plus une douzaine de serviettes jaunesa à rajouter avec l’autre demie douzaine que je lui devais. Elle reviendra à la fin de la semaine. Voilà mon cher amour.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 211-212
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

a) « serviette jaune ».

Notes

[1Jean de Nivelle : personnage historique (1422-1477) qui du fait de son refus de répondre à l’appel du roi de France est à l’origine de l’expression « être comme ce chien de Jean de Nivelle qui fuit quand on l’appelle ».

[2C’est ainsi que Juliette parle de son oncle René-Henry Drouet, qui l’a élevée. Ancien soldat, il a été admis aux Invalides.

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