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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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12 mai 1845

12 mai [1845], lundi matin, 10 h. ¾

Bonjour, mon Toto bien-aimé, bonjour, mon adoré petit Toto, bonjour, mon bien, ma vie, ma joie, mon bonheur, bonjour, je t’aime. Comment vas-tu ce matin ? As-tu retrouvé ta petite clef ? Nous l’avons cherchée ce matin dans la salle à manger et le sable du jardin mais inutilement. Il n’est pas probable que tu l’auras perdue chez moi. Du reste, mon cher amour, il a fallu que je me sente bien souffrante cette nuit pour ne pas m’engager à être prête à quelque heure du matin que tu aies voulu. Ce que je craignais est arrivé en partie et c’est à grand peine si je me suis levée tout à l’heure en proie à un affreux mal de tête compliqué de maux d’entrailles sans parler d’un pied que je ne sais comment poser à terre. Tu vois, mon bien-aimé, que je n’avais que trop raison de ne pas m’engager à être prête à sortir à midi puisqu’ila est déjà onze heures et que je ne sais pas encore où j’en suis tant je suis malingre et blaireuse. Je m’en veux. Je suis furieuse contre moi. Je suis triste de penser que je perds l’occasion d’être une heure avec toi. Et cependant je sens que tous mes efforts et tout mon courage n’arriveraient pas jusqu’à me faire être prête dans une heure. Décidément, je ne suis pas chanceuse, mon Toto. Ce n’est pas d’aujourd’hui que je le sais et cela n’en est pas plus consolant. Je t’aime, je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 165-166
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « puisque il ».


12 mai [1845], lundi soir, 10 h. ¼

Je ne te vois pas, mon Toto, tu t’en tires toujours par quelque aimablea et douce parole, mais en réalité, je ne te vois pas du tout si ce n’est à l’état de MÈRE GIROFLÉEb ou de MÉTÉORE. Tu traverses mon vestibule comme un éclair. Si tu crois que cela peut suffire à mon bonheur, tu te trompes. Je te dirai même que, loin de suffire à mon bonheur, cela me rend très malheureuse. Je fais, tu le sais, contre fortune bon cœur, mais intérieurement je suis triste et découragée. Tu m’avais promis des monceaux de chosesc et de bonheur et tu ne me tiens pas parole. Cependant j’ai bien attendu et bien désiré et bien soupiré après le moment qui devait me donner toutes ces joies et je ne vois rien venir. À force d’espérer, je désespère. Je crains que le bonheur, le vrai bonheur, ne reviendra plus jamais et mon pauvre cœur se serre d’avance.
J’ai eu aujourd’hui la visite de cette bonne et honnête mère Rivière que je n’avais pas vue depuis cinq mois. C’est une excellente femme, mais peu amusante par le fait. Elle s’en est allée à neuf heures. La penaillon est venue dans la journée apporter le coupon de Damas pour le prix que tu m’en avais fait offrir. Je lui ai dit de le laisser, mais que je ne savais pas si tu n’avais pas changé d’avis depuis. Elle avait un pot bleu en faïence que je me suis permisd d’acheter malgré notre misère parce qu’il fait une garniture complètee avec les deux bouteilles bleuesf. Il est fêlé et très fêlé. Je l’ai payé 2 francs. Je crois que tu ne me gronderas pas. Tu le verras sur mon meuble en laque. En attendant, j’aimerais bien mieux te voir et dépenser tout cet argent en CULOTTES.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 167-168
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « quelqu’aimable ».
b) « mère girofflée ».
c) « de chose ».
d) « je me suis permise ».
e) « complette ».
f) « bleu ».

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