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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 juillet [1845], mardi matin, 9 h. ½

Bonjour, mon Toto aimé, bonjour, mon bel adoré, bonjour, mon ravissant petit Toto, bonjour, comment va ton bras ce matin ? Tu sentais un commencement de démangeaison cette nuit. Si cela pouvait t’avoir soulagé j’en serais bien heureuse. Si tu souffres toujours autant, tu feras bien de mettre du sparadrapa, je ne sais pas comment s’écrit ce mot, je suis comme la petite Robelin, il y a des mots que je ne sais pas écrire. Mais cela ne fait rien, entre nous c’est sans façon absolument comme dans une île. Comment trouvez[-vous] mes écrevisses ? Je tiens beaucoup à ce que vous les trouviez bonnes puisque c’est moi qui les ai fait cuire. C’est une coquetterie de cordon bleu apprivoisé à laquelle je tiens beaucoup. Vous avez vu que j’ai eu l’attention délicate de vous les mettre dans une vilaine assiette. Je n’ai pas besoin, moi, de vous donner toute ma plus belle vaisselleb sous prétexte de vous faire manger des fraises et des écrevisses. Ma générosité ne va pas jusque-là. Tâchez de me rendre ma serviette si vous pouvez. Cependant si vous l’oubliez, je ne m’en ferai pas de chagrin.
Cher petit homme aimé et bien aimé, je ris avec vous pour vous montrer que je suis bien gentille et bien courageuse et que je fais contre fortune bon cœur. Si tu peux m’en récompenser en venant de bonne heure aujourd’hui, tu me rendras bien heureuse. Si tu ne peux pas, je penserai à ta douce figure, à ton noble cœur et je tâcherai de me faire l’illusion que tu es auprès de moi jusqu’à ce que tu puissesc venir.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16360, f. 61-62
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « du sparadrappe ».
b) « vaiselle ».
c) « tu puisse ».


22 juillet [1845], mardi soir, 9 h.

Vous êtes un méchant malhonnête, vous ne vous êtes seulement pas retourné tandis que je restais là sur ma porte à vous voir en aller comme une pauvre bête de Juju que je suis. Une autre fois je resterai chez moi, cela vous apprendra à être un peu plus poli, sinon plus affectueux.
J’ai reçu ce soir une lettre de Claire dans laquelle elle me mande que MM. Varin et Dumouchel sont allés la voir hier. La petite sotte me fait un [illis.] dans lequel il m’est impossible de deviner le jour où il faut qu’elle aille chez M. Dumouchel subir un examen préalable et s’il faut que je fasse venir Eulalie pour l’y conduire. Cette péronnelle a le talent de ne pas savoir expliquer clairement les choses les plus simples. Du reste, M. Dumouchel espère pouvoir la faire appeler avant les vacances [1], c’est pour cela qu’il n’y aurait pas de temps à perdre. Si tu veux, j’irai jeudi à la pension m’informer quel jour elle doit aller chez M. Dumouchel. Voilà, mon Toto chéri, les nouvelles de la maison depuis que tu es parti. Tiens, moi qui oublie que je suis furieuse contre vous et que je ne veux pas vous parler. Je n’ai pas besoin de parler à un vilain ours comme vous. Si vous croyez que vous êtes aimable quand vous vous conduisez comme cela, vous êtes dans la plus profonde erreur. Allez, vous êtes bien digne de lire Le Moniteur et d’être en correspondance officielle avec le GRAND RÉFÉRENDAIRE. Taisez-vous, je vous méprise de toutes mes forces. Vous n’êtes qu’un vieux podagre de pair de France, bon tout au plus pour les rhumatismes.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16360, f. 63-64
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Claire prépare l’examen pour devenir institutrice. Elle a échoué à l’examen le 12 juin et attend une nouvelle date de passage. Elle passera de nouveau l’examen en février et mars 1846, sans succès.

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