Guernesey, 18 septembre 1859, dimanche 8h du m[atin]
Bonjour, mon bien-aimé, je te souris dès le matin et avec toutes les tendresses de mon âme. Comment vas-tu ? As-tu bien dormi ? J’espère que oui et je m’en réjouis de tout mon cœur. Sais-tu l’affreuse proposition que je médite de te faire une fois que tous tes parisiens mâles et femelles seront partis ? Ce serait de clôturer cette bonne et ravissante année par un tour de l’île en tête-à-tête, à moins que tu ne voies moyen d’en mettre ton Charles et par surcroît de bonheur ton Victor, ce que je n’ose pas espérer. Nous reviendrions dîner chez nous le cœur rempli de joie jusqu’au bord et approvisionné de bonheur, de ciel, de nature, du bon Dieu jusqu’à l’année prochaine. Qu’en dis-tu, mon cher petit homme, cela te paraît-il possible, juste et attrayant ? Tu me diras cela tantôt si je trouve le moment de te le demander, car tu es si occupé et je te vois si peu, que c’est à peine si j’ai le temps de recueillir un mot, un sourire, un baiser de ta bouche que j’adore. Je ne me plains pas car je sais tout ce que tu as à faire pour être à tout et à tous. Je t’en admire, je te plains, je t’aime de toute mon âme.
Juliette.
Bnf, Mss, NAF 16380, f. 208
Transcription de Mélanie Leclère assistée de Florence Naugrette