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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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19 mai 1844

19 mai [1844], dimanche matin, 8 h. ¾

Bonjour, mon adoré bien-aimé, bonjour, mon Toto chéri ; bonjour, toi, bonjour, vous que j’adore.
Enfin, mon pauvre amour, je commence à me débrouiller de tous mes arias [1]. J’ai cependant deux dernières ennuyeuses opérations à subir : le collage de la porte et l’encaustiquage. Le Lanvin est déjà venu mais comme il n’avait pas apporté le papier il est allé le chercher. Du reste, je ne sais pas si c’est une idée, mais il me semble vouloir faire la grimace. Qu’à cela ne tienne, le brave homme, je ne m’en servirai plus. Après cela je me trompe probablement. Le voici qui revient sans papier. Il n’y en avait pas, on est allé en chercher. En attendant il va coller du papier autour de mon petit miroir et faire le petit raccommodage du papier du mur. Le temps continue à être hideux et moi je continue à être comme le temps. Il est impossible d’être plus avariée que je ne suis. Je ne m’étonne pas que vous demandiez des cravates blanches, que vous alliez en calèche à l’Odéon et que vous vous jetiez avec fureur dans les faumes. Je ne trouve que trop excusable et au besoin même je vous approuverais. Voime, voime, prends garde de le perdre ; scélérat, je ne te conseille pas de tenter l’épreuve deux fois. La bosse de mon front n’est que trop significative et je ne suis pas femme à m’en laisser planter de cette forme indéfiniment. Tenez-vous-le pour dit.
Jour Toto, jour mon cher petit o. Je ne sais pas quand je vous verrai mais je sais bien quand je désirerais vous voir, ce serait tout de suite. Cela me ferait bien du bien au vente [2] et ailleurs. Je ne te vois presque plus, mon pauvre adoré. Les ouvriers de ma maison t’ont chassé pendant ces derniers jours et ton travail t’éloigne de moi depuis un bout de l’année jusqu’à l’autre. De quelque façon que je m’y prenne, de quelque côté que je me retourne je ne vois pas le plus petit Toto. Ça n’est pas bien gai, tant s’en faut, et il y a bien des jours où mon pauvre cœur est bien gros et bien triste. Cependant je ne veux pas me plaindre aujourd’hui dans la crainte de te paraître grognon. Je ne veux que te baiser, te sourire et t’adorer.

Juliette

Collection particulière
Transcription de Florence Naugrette

Notes

[1Arias : tracas, obligations diverses.

[2« Vente » pour « ventre » : la faute est volontaire (comme l’indique son soulignement).

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