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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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21 janvier [1844], dimanche matin, 10 h. ¾

Bonjour mon cher adoré bien aimé. Bonjour toi que j’aime. Bonjour, bonjour mon Toto chéri.
Je viens de recevoir une lettre de Brest [1]. Je suis furieuse et chagrine. Ces pauvres gens n’ont pas reçu la caisse que je leur ai envoyée [2] et que les Lanvin s’étaienta chargés de faire partir. Et puis, comme j’avais voulu économiser un port de lettre, j’avais mis la mienne dans la caisse de sorte que ces pauvres gens n’avaient même pas entendu parler de moi jusqu’au 17 de ce mois. Cela me contrarie d’autant plus que je ne suis pas en mesure de réparer la perte quoiqu’elleb soit très peu de choses en elle-même. Vraiment, ces choses-là n’arriventc qu’à moi. Ce ne sont que des contrariétés mais qui cependant ont le don de vous piquer au vif autant qu’un malheur plus sérieux. J’ai passé une mauvaise nuit, j’ai encore les mains brûlantes comme cette nuit. Voilà quatre jours que je suis toute mal à mon aise. Cela tient à l’hiver et au peu d’exercice que je fais. Il faudra pourtant que tu avises un autre régime car celui-là me jouera un mauvais tour. Il faudra que tu me proposes de sortir quand je pourrai raisonnablement en profiter.
En attendant, je grognonne dans mon coin et je me dispose à manger vos huîtres qu’on apporte à l’instant même. Elles me paraissent très bonnes et je regrette que vous ne soyez pas du festin. Il y a bien longtemps que ce bonheur ne m’est arrivé.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 77-78
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « c’étaient ».
b) « quoi qu’elle ».
c) « n’arrive ».


21 janvier [1844], dimanche soir, 5 h. ½

Vous étiez bien roulé pour un homme honnête tantôt M. Toto. J’ai bien de la peine à croire à votre fidélité avec une coiffure aussi incendiaire que celle que vous aviez tout à l’heure. N’oubliez pas que je vous crois capable de tout et peut-être COUPABLE de tout et que je raiguise [3] mon grand couteau.
J’ai un mal de tête affreux ce qui ne me rend rien moins qu’aimable. J’en suis fâchée pour cette pauvre péronnelle [4] qui n’a pas beaucoup de fou rire même quand je suis gaie et bien portante. Tu serais bien gentil de venir de bonne heure ce soir et de lui dire des bêtises pour l’amuser. Malheureusement c’est peu probable et la pauvre enfant en sera pour son jour de congé et pour son travail car elle travaille chaque fois qu’elle est à la maison.
N’est-ce pas que je suis bien maussade, bien bête et bien blaireuse ce soir ? Je le sens plus que je ne peux te l’exprimer, je m’indigne contre moi mais ma scélérate de migraine n’en tient compte. Au contraire, plus je fais d’efforts pour la secouer, plus elle redouble d’intensité. Il ne m’est pas prouvé que je ne sois pas forcée de me coucher d’ici à très peu de temps. Je me dépêche de t’embrasser, mon pauvre adoré, et de te demander pardon d’être si bête que ça. Cela ne m’empêche pas de te trouver beau et de t’adorer.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 79-80
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

Notes

[1De sa sœur et son beau-frère.

[2Le contenu de la caisse est inconnu.

[3Néologisme signifiant « aiguiser de nouveau ».

[4Sa fille, Claire Pradier.

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