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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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12 janvier, vendredi matin, 11 h.

Bonjour, mon Victor adoré. Bonjour mon âme, ma vie, ma joie. Bonjour, je t’aime. Je suis brisée, malade mais je t’aime et je te bénis.
J’ai eu la fièvre toute la nuit, à l’heure qu’il est je ne sais pas si je pourrais me lever tant je suis encore courbaturée et brûlante. Mais je suis heureuse et j’aime mes souffrances puisqu’elles m’ont rendu mon Toto d’autrefois. Mon Toto d’il y a onze ans. Mon Toto doux, tendre et passionné. Mon poète triomphant. Mon sublime, mon adoré Victor. Je suis heureuse, bien heureuse.
Quand pourrai-je te voir mon Toto ? Tu dois être bien occupé ce matin. Car, quoi que tu en dises, le succès éclatant d’hier fera de la reprise de Marie Tudor une véritable première représentation [1]. Tu ne perdsa rien à attendre, toi, au contraire. Plus on joue tes pièces et plus le public les comprend et les admire. Ce n’est que justice mais enfin cela est.
Tu dois être assailli d’admirateurs et d’amis ce matin. Pense à moi, regrette-moi et désire-moi mon Victor adoré, je te le rendrai de mon côté au centuple. Plus je t’aime et plus je veux t’aimer. Depuis onze ans mon amour ne s’est pas ralenti, il a été toujours en augmentant. Je vis pour t’aimer et je vis par ton amour. L’un m’est aussi indispensable que l’autre. T’aimer et être aimée de toi c’est là toute ma vie. Je baise tes cheveux, tes yeux, ta bouche, tes mains, tes pieds. Je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 43-44
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « pers ».


12 janvier [1844], vendredi soir, 5 h. ¾

Je t’ai vu, mon cher adoré. Je t’ai vu bon et charmant et cela m’a fait du bien. Quand je te vois il me semble que ma pauvre âme se rafraîchita et se ranime. Tu es bien véritablement ma vie. Depuis que tu es parti j’ai écrit cette insipide lettre [2] à ce M. Suquet, je l’ai fait mettre chez son portier afin qu’il la reçoive plus tôt. J’espère que cette corvée sera la première et la dernière de ce genre. J’ai horreur des tripotages. J’ai horreur de tout ce qui me force à m’occuper d’autre chose que de mon amour. Baise-moi, mon Toto, baise mes pauvres yeux pour les dégonfler et pour les dérougir. J’ai un grand mal de tête qui ne s’est pas encore calmé. J’hésite à me coucher parce que je crains que ce ne soit pas un très bon remède pour ce genre d’indisposition. Cependant, si ma migraine persiste avec cette violence, je me mettrai au lit tout à l’heure.
J’ai oublié de te faire emporter tes actions, je n’en suis que médiocrement fâchée parce que cela te forcera peut-être à revenir plus tôt que tu ne l’aurais fait sans cela. Si je vous manque de respect en vous disant cela, je vous en demande très humblement pardon. Je vous aime mon adoré, je vous aime plus qu’il ne faut et plus que vous ne voulez mais je ne peux pas faire autrement. Je suis trop vieille pour me corriger. Il faut en prendre votre parti et vous laisser aimer et adorer jusqu’à la mort et au-delà si quelque chose de nous survit hors de ce monde.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 45-46
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « raffraîchit ».

Notes

[1Marie Tudor est reprise à l’Odéon pour la première fois depuis 1833.

[2À élucider.

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