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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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27 novembre [1843], lundi matin, 10 h.

Bonjour, mon Toto bien-aimé, bonjour, mon cher petit homme, bonjour, mon pauvre amour. Comment vas-tu ce matin ? Ton pauvre cœur est-il moins triste que cette nuit ? J’aurais voulu ne pas te quitter cette nuit pour te combler et pour te faire reposer dans mes bras. Tu me fais espérer que tu reprendras bientôt les anciennes et si douces habitudes des premiers temps de notre amour. Ce sera un bien grand bonheur pour moi, mon cher petit bien-aimé, car rien n’est plus pénible et ne m’inquiète davantage que ce refroidissement apparent. Aussi, mon cher adoré, fais tout ton possible et davantage encore pour me rendre ces bonnes matinées d’autrefois.
Je viens de recevoir une lettre de Claire. Il paraît qu’elle a eu les joues, les yeux et la tête enflésa avec une assez grosse fièvre. On a craint un moment qu’elle n’ait la rougeole. Maintenant elle va mieux et il n’y a plus que ses yeux qui soient encore enflés. Il est bien triste pour cette pauvre enfant d’être si souvent malade et surtout dans le moment où elle a le plus besoin de travailler. Elle n’a vraiment pas de chance. Comme elle viendra samedi, époque attendue pour sa santé, s’il n’y avait rien de décisif je ferais venir M. Triger qui la saignerait du pied. Mais j’aimerais mieux que la nature se chargeât de cet office-là. Enfin, nous verrons d’ici-là ce qui arrivera.
Je t’aime mon cher petit bien-aimé. Je t’aime comme le premier jour. Je t’aimerais plus encore si on pouvait aimer plus que plein son cœur et de toute son âme.
Voilà un bien beau temps, mon cher adoré, j’en suis contente pour toi puisque tu es toujours obligé de marcher quand tu travailles. Du reste, si tu pouvais me faire sortir un peu cela me ferait du bien aussi à moi. En même temps, si tu veux, nous irions savoir des nouvelles de la mère Pierceau. Mais que cela ne te gêne pas, je suis habituée à rester chez moi et si je te demande à sortir, c’est moins pour ma santé que pour avoir une occasion de te voir pendant quelques heures. Je donnerais de ma vie si je pouvais pour te voir toujours. Tu ne sais pas combien je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16353, f. 97-98
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « enflées ».


27 novembre [1843], lundi, 3 h. ¾ après-midi

Je t’écris avec une fenêtre ouverte, mon cher petit homme, et je n’ai pas allumé de feu de la journée. Il est impossible, d’ailleurs, d’avoir une journée plus douce que celle d’aujourd’hui. Malheureusement je n’ai pas pu en profiter avec toi. Il est vrai que, comme compensation, Jacquot m’a sauté trois fois de suite sur la carcasse, une fois en plein sur la tête et les deux autres sur le dos. La pauvre bête d’ailleurs ne l’a fait que par un mouvement de jalousie aussi je ne lui en veux pas du tout car je sais compatir aux maux que j’ai souffertsa et dont je souffre encore à l’heure qu’il est comme une enragée. Cependant, je voudrais qu’il eût une affection un peu moins féroce, et qu’il ne me dévorât pas chaque fois que la nécessité me forcera à m’approcher de Cocotte. Avec de la patience j’en viendrai peut-être à bout.
Comprends-tu que ma pauvre péronnelle ait encore été malade en me quittant ? C’est vraiment terrible cela. Il faut absolument que M. Triger voie à la débarrasser de toutes ces indispositions successives qui, sans avoir de gravité, se répètent trop souvent et interrompent son travail autant et plus qu’une maladie sérieuse. Si tu étais venu aujourd’hui me prendre pour me faire sortir je t’aurais prié de me mener la voir à la pension. Je pense que ce gonflement de toute la tête pourrait bien avoir été un commencement d’érysipèleb, je ne sais pas comment s’écrit le mot mais peu importe. Je crains qu’on ne l’ait pas bien soignéec. Je regrette que Mme Marre voyant de la fièvre à l’enfant ne m’en ait pas avertie. Je suis tourmentée, mon cher adoré, aussi si tu peux demain ou après me conduire à la pension tu me feras bien plaisir. En attendant, tu devrais bien venir tout de suite pour me tranquilliser, pour me consoler et pour me mettre du baumec dans le cœur. Te voir c’est le remède à tous mes maux. C’est le bonheur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16353, f. 99-100
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « souffert ».
b) « erisypelle ». Deux orthographes existent : érysipèle ou érésipèle.
c) « soigné ».
d) « beaume ».

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