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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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21 novembre [1843], mardi matin, 9 h. ½

Bonjour mon pauvre bien-aimé, bonjour mon pauvre homme triste, bonjour ma vie, bonjour mon âme. Comment vas-tu ce matin ? J’ai rêvé de toi toute la nuit, mon cher amour, je me suis réveillée plusieurs fois à tous les bruits, il me semblait que c’était toi. Pourvu que tu ne sois pas malade. Pense à moi, mon adoré, ne souffre pas, aime-moi, pense que tu es toute ma vie.
Je viens de recevoir l’annonce de l’arrivée de Jacquot. Claire n’en sait encore rien. Je ne sais pas encore s’il est vert ou s’il est gris. De tous les renseignements qu’on me donne j’en conclus qu’il n’est rien moins que doux. Je persiste jusqu’à présent à donner la préférence à Cocotte. Enfin, nous le verrons bientôt, ce fameux Jacquot et nous saurons à quoi nous en tenir. Dans ce moment-ci c’est un surcroît de dépense dont je me serais très bien passé.
Je n’ai pas encore envoyé au marché, je ne sais pas ce que la mère Lanvin me fera dire pour aujourd’hui. Tu as vu qu’il est impossible d’être plus pressante que je ne l’ai été hier dans ma lettre sur la nécessité de ne pas faire perdre de temps à Claire. J’espère, ou qu’elle mènera Claire chez son père tantôt, ou qu’elle la reconduira à la pension. Dans tous les cas où elle ne me ferait rien dire et où elle ne serait pas venue la chercher, nous pourrions nous-mêmes mener Claire à sa pension le soir avant le dîner, à moins que tu ne le puisses pas, toi. Tu décideras cette question tantôt.
D’ici là, mon cher cher bien-aimé, je vais penser à toi, te désirer et t’aimer de toute mon âme. Pense à moi, de ton côté, mon cher bien-aimé, désire-moi et aime-moi.
Prends garde d’avoir froid. Le temps est très pluvieux et très malsain, il faut prendre quelques précautions. Ne pas sortir à jeun, avoir de bonnes bottes et être bien couvert. Je ne veux pas que tu t’enrhumes et que tu aies des douleurs. Pauvre adoré, je ne veux pas que tu souffres. Je donnerais ma vie pour que tu ne sois pas triste.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16353, f. 75-76
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette


21 novembre [1843], mardi soir, 5 h. ¼

Nous avons enfin le Jacquot ! mais hélas ! il est hideux. Je ne sais pas si c’est parce que je l’attendais gris et qu’il est arrivé vert qu’il me fait cet effet-là mais je le trouve atroce de laideur. Quant à son caractère, je n’en peux rien dire encore attendu qu’il est arrivé mourant de faim, de soif et de sommeil. Tout ce que je sais c’est que Cocotte a sauté sur sa cage et qu’il l’a regardéea sans lui faire de mal. Elle est restée très longtemps en contemplation sur sa cage nez à nez et qu’il ne lui a rien dit. Du reste, leurs deux bâtons se touchent et ils sont très tranquilles tous les deux. Voilà, quantb à présent, tout ce que je peux dire. Suzanne l’a pris sur son doigt et moi aussi et il ne nous a pas mordues. Cependant nous ne sommes pas très braves.
On n’est pas encore venu chercher Claire. Je me dépêche à faire faire le dîner pour qu’elle dîne avant de s’en aller. Elle va rattraperc ces deux jours-ci, elle me l’a bien promis. Elle paraît animée des meilleures dispositions et avoir bien de l’ardeur. Pauvre enfant, je désire et j’espère que cela continuera toujours. Elle sent la nécessité de travailler et de se suffire seule. Elle sera bien heureuse et moi aussi le jour où elle gagnera sa vie. Cela pourra être bientôt si elle travaille autant qu’elle le dit.
Pauvre bien-aimé, tu étais encore bien triste tantôt. Qu’est-ce que je pourrais faire pour te faire sourire ? Si tu savais, mon pauvre adoré, combien ta tristesse me fait mal, tu serais toujours heureux quand même et tu me sourirais toujours. Je baise tes chères petites mains adorées et je prie le bon Dieu de t’envoyer bien vite à moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16353, f. 77-78
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « regardé ».
b) « quand ».
c) « rattrapper ».

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