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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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31 janvier [1837], mardi après midi, 3 h.

Jour, je vous aime, oui vous êtes mon amour, oui je suis une bête stupide et féroce quand j’en doute et que je vous accuse. Je me donne de grands coups de pied et d’immenses coups de poings quand cela m’arrive.
Je vous dis que vous êtes mon Toto, après cet aveu qu’exigez vous encore de moi ? que je sois fidèle ? Je le suis. Que je sois toute à vous et à votre pensée ? Je le suis. Que je sois bonne ? C’est fait. Que je sois douce et patiente ? Aïe, aïe, aïe. C’est égal, je le suis et je m’en vante. Tiens, pourquoi que je ne le serais pas donc. Parce que c’est difficile ? Eh ! bien j’en suis plus méritante ou méritoire, je ne sais pas au juste lequel des deux.
J’ai eu tout à l’heure la visite de mon marchand de vin je lui ai fait sa leçon au reste il attend l’échantillon du vin m’en fournir du pareil et au même prix. J’ai fait mes quinze [tours ?] et je n’ai pas voulu me débarbouiller avant de m’être soulagé le cœur de ce qu’il avait de trop plein et de trop gros d’amour, aussi je suis à l’état de souillon le plus parfait, je ne me prendrais pas moi même avec des pincettes.
Ma bonne m’a demandé de sortir pour sa procuration ce que je lui ai accordé tout de suite.
Vous ne m’avez pas assez fait compliment de l’acte héroïque que j’ai accompli ce matin. Il me semble pourtant que pour une pauvre fille réduite à l’état de petite [théière  ?] je me suis comportée comme une vrai Lionne de Numidie. Si vous ne m’encouragez pas je ne ferai plus rien de rien une autre fois dans bien longtemps n’est-ce pas, dans très longtemps ?
Vieux Toto que vous êtes, vous devriez rougir de honte jusque dans les endroits les plus secrets, de la conduite que vous avez tenu tout le mois de janvier [1837], de l’an de grâce 1837 mais vous avez aussi peu de cœur que de... ceci est très difficile à articuler, je passe le mot... Je disais donc que vous devriez être énormément confus.
J’espère que le printemps vous rendra à vos beaux exploits d’autre fois et que vous ferez des prodiges de valeur.
Jour, un petit oto, venez ça que je vous baise de pied en cap et que j’ébouriffe vos beaux cheveux. Je vous aime, vous êtes mon chéri petit homme, vous êtes mon Toto bien aimé et encore bien d’autres choses a.
Je vous aime, je vous N’AIME.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16329, f. 117-118
Transcription d’Erika Gomez assistée de Florence Naugrette

a) « d’autre chose ».

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