Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1837 > Janvier > 14

14 janvier [1837], samedi matin, 11 h. ¾

Bonjour, mon Toto chéri. Est-ce que vous seriez encore trois mois avant de revenir voir votre Juju dans sa petite maison ? S’il en était ainsi, je dois vous prévenir que vous ne la retrouveriez plus à la même place, car elle sera partie dans La diligence bien loin, bien loin pour ne plus revenir.
Il m’est revenu toute la nuit un gros mensonge que vous m’avez fait sur Mme de [E ?] et son parapluie, je tirerai éclaircissement de cela quand je vous verrai, quoique je sache combien il est difficile de vous prendre en défaut car vous avez toujours la pièce pour boucher le trou.
Il fait très beau temps ce matin, ce qui ne m’empêche pas d’avoir un mal de tête fou. Je n’ai presque pas dormi de la nuit, je ne sais pas à quoi cela tient. Aujourd’hui qu’il ne pleut pas à torrents, si vous pouvez me faire marcher un pas, je crois que cela me soulagerait.
Je vais me [laver  ?], m’habiller et faire mes affaires, je serai donc prête quand vous viendrez, si vous venez.
Je ne sais pas si j’ai bien raison de vous aimer mais je vous aime comme il n’est pas possible, moquez-vous de moi mais cela est ainsi. À bientôt n’est-ce pas ?

Juliette

BnF, Mss, NAF 16329, f. 55-56
Transcription d’Erika Gomez assistée de Florence Naugrette


14 janvier [1837], samedi soir, 4 h. ½

Vous ne venez pas vite mon Toto, mais je dois convenir qu’il en n’est pas de même pour vous en aller. Est-ce que le beau temps vous ferait peur ? J’espère qu’il en fait un de temps et moi, qui croyais ce matin qu’il ferait beau. Je ne me suis pas trompée comme vous voyez.
Je voudrais bien ne pas me tromper un… tiens vous voilà.

7 h. ¼

Je ne savais pas si bien dire en désirant que vous veniez tout de suite. Je viens de payer le terme, les quittances étaient toutes prêtes.
Je vous aime mon Toto, je vous trouve très joli et puis je vous trouve très bon.
Je serais encore bien plus convaincue si vous venez ce soir de très bonne heure. Demens qui nimbos [illis.] fulmen aere cornipedum, etc. [1] ce qui veut dire en français que je voudrais bien lutter corps à corps avec vous autrement que par la Science et L’érudition.
Je souffre toujours, c’est ridicule. Il me semble que vous pourriez me guérir mais vous n’avez pas assez bon cœur pour essayer même. Ça ne m’empêche pas de vous aimer et de vous trouver le plus charmant des hommes.
Vous voyez que vous n’avez pas besoin de vous déranger de vos affaires pour obtenir mon amour tout entier mais cela n’en [serait] ni plus mauvais, ni plus mal si vous faisiez chorus avec moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16329, f. 57-58
Transcription d’Erika Gomez assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Citation de l’Énéide de Virgile que Juliette utilise pour exprimer la colère, l’ardeur ou la fougue. « Demens ! qui nimbos et non imitabile fulmen / Ære et cornipedum pulsu simularat equorum. » (« Insensé qui, du ciel prétendu souverain, Par le bruit de son char et de son pont d’airain, / Du tonnerre imitait le bruit inimitable !) (traduction de l’abbé Delille).

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne