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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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11 avril [1837], mardi matin, 11 h. ½

Bonjour mon cher bien-aimé, bonjour mon bon petit ange. J’étais bien souffrante hier au soir et bien stupide, je t’en demande bien pardon de tout mon cœur. C’est pas ma faute. Je m’en ressens encore ce matin, j’ai encore de la fièvre et du mal de tête mais aussi quel affreux temps ! J’ai regardé votre petit travail ce matin, il est ravissant. Je vous trouve bien cruel de m’obliger à choisir entre deux chefs-d’œuvre celui que je préfère quand je ne puis les préférer que tous les deux à la fois et indistinctement. Si vous voulez je vous donnerai tout ce que vous voudrez. « Vends-moi ton tableau aussi cher que tu voudras. Si tu as une vieille mère, etc. » [1]
Je suis bien malheureuse de ne pouvoir pas vous attendrir ni d’une façon ni de l’autre. Ce sera bien votre faute si je commets un crime pour m’en emparer et vous aurez à en répondre devant Dieu.
Je t’aime mon cher adoré, je t’aime mon cher ange bien-aimé, il a fallu que je sois bien malade hier pour me coucher toi étant là. Les heures que tu me donnes sont si courtes et si précieuses que je n’en perds pas une seconde à moins d’être asphyxiéea sur la place comme je l’étais hier. Mais je t’aime, ne te lasse pas de le lire car jamais je ne me lasserai de l’écrire. Je t’aime, je t’aime de toute mon âme, je te baise de ton mon cœur.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16330, f. 39-40
Transcription de Chantal Brière

a) « asphixiée ».


11 avril [1837], mardi après-midi, 1 h. ¾

Mon cher bien-aimé je vous aime toujours de plus en plus et j’ai toujours de plus en plus plaisir à vous le dire. Je voudrais bien vous voir aujourd’hui car ma journée d’hier a été presque perdue avec votre travail et mon mal de tête : deux calamités à la fois. Je voudrais bien me rabibocher aujourd’hui, si vous aviez du cœur vous viendriez de très bonne heure et vous dîneriez avec moi et vous coucheriez avec moi, ce qui serait une invention admirable. Depuis plus de quatre mois je n’ai dîné qu’une seule fois avec vous, ce n’est pas beaucoup, ce n’est pas assez. Jour mon petit Loto mais pas mon petit [Bato  ? Gato  ?] puisque ça vous parait une épigramme sanglantea. Je vous aime mon petit homme, je vous désire mon petit chéri. J’ai bien besoin de vous voir mon pauvre amour. Si tu viens de bonne heure je te prierai de me conduire à la pension de Claire pour lui essayer ses brodequins. En même temps, si tu veux, je monterai chez Mme Lanvin pour savoir si Pradier pense au quartier de la pension qui échoit dans deux jours plus ce qu’il redoit sur le dernier, toutes choses qui m’inquiètent sans en avoir l’air. Et puis je te baise et puis je t’aime et puis je t’adore et puis je ne pense et ne vis que par toi.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16330, f. 41-42
Transcription de Chantal Brière

a) « un épigrame sanglant ».

Notes

[1Juliette détourne une réplique de Marie Tudor (Journée 2, scène 3) : « Si tu as une vieille mère, et qu’il faille couvrir sa nappe de lingots d’or, parle, je le ferai. Vends-moi ta vie aussi cher que tu voudras. »

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