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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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14 janvier [1842], vendredi après-midi, 1 h. ¾

Bonjour vilain Toto. Bonjour méchant Toto. Bonjour monstre de Toto. Vous êtes bien revenu ce matin, n’est-ce pas, et j’ai de beaux exemplaires à lire comme compensation, n’est-ce pas, scélérat ? Si je vous tenais, je ne vous ferais pas mes compliments mais je vous ferais une bonne grimace et je vous flanquerais des giflesa par-dessus le marché. C’est toujours la même histoire : les autres en ont aux talons, que je n’ai pas encore aux lèvres. C’est fort ennuyeux, fort injuste et fort bête. Pourquoi n’êtes-vous pas revenu ce matin ? Ah ! Bon j’oubliais qu’il y a empêchement physiqueb et moral, je me PORTE BIEN et je VOUS AIME. Bigre, il faut y regarder à deux fois avant de se lancer dans de pareilles difficultés. Dès que je serai MALADE ou que j’attendrai quelques péronnelles à HEURE FIXE, alors c’est bien vous serez à votre ENTRÉE. Ia, ia, monsire matame, il est son sarmes mais d’ici là vous vous abstenez soigneusement de toute démonstration POLITIQUE ET LITTÉRAIRE envers la pauvre vieille Juju, c’est très prudent et digne d’un si grand cœur.
Comment vont vos beaux yeux, comment va ta chère petite tête, mon pauvre amour, car malgré ma juste fureur, je t’aime, moi. Baise-moi, mon Toto adoré, baise-moi et ne souffre pas, je te pardonne tous tes trimes. Il fait un vilain temps frais et humide qui me donne mal à la tête. Et puis je crains que tes bottes ne soient percées et que tes pieds ne soient mouillés, tâche de venir bien vite ou en changer, ou me rassurer. Je t’aime, mon Toto chéri, et toi ? Je te désire, mon amour adoré, et toi ?

Juliette

BnF, Mss, NAF 16348, f. 37-38
Transcription d’Hélène Hôte assistée de Florence Naugrette

a) « giffles ».
b) « phisique ».


14 janvier [1842], vendredi soir, 5 h.

Tu oublies que je t’attends, mon adoré, tu oublies que je t’aime, méchant, et que je suis bien malheureuse quand je ne te vois pas. Le temps est bien mauvais à la vérité mais ce n’est pas un obstacle pour toi et je suis bien sûre que tu es déjà sorti au moins une fois dans la journée, ou bien autre chose encore de plus ennuyeuxa pour moi. Tu as reçu des visites et quelles visites ? Des visites de femmes probablement ? Quant à moi, j’ai reçu la visite de Mme Guérard qui venait chercher son exemplaire et que j’ai rabrouée convenablement en lui disant que je n’avais pas encore le mien, MOI [1]. Du reste, elle m’a parlé des Parents et surtout du mari qui est un immonde salop. Elle m’a parlé aussi de M. Villemain et ce qu’elle m’en a dit me rend très suspect vos relations avec le susdit philosophe. Je vous serai fort obligée de modérer vos fréquentations aux deux endroits susnommés. Enfin, en dernier lieu, je tiens plus que jamais à ce que vous n’alliez pas ailleurs que chez moi, à moins que vous ne préfériez me voir aller aussi de mon côté. Cela vous regarde mais je n’en démordrai pas. Il fait temps hideux de brouillard et de froid. Prends garde de te refroidir et surtout viens mettre des bottes neuves si les tiennes sont percées. Ce sera d’ailleurs un prétexte tout naturel de me faire le plus grand bonheur du monde.
Jour Toto, jour vilain monstre. Baisez-moi. J’espère que le brouillard ne fera rien à ma pauvre Clarinette mais j’attends de ses nouvelles avec impatience. Je t’aime toi, scélérat.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16348, f. 39-40
Transcription d’Hélène Hôte assistée de Florence Naugrette

a) « ennuieux ».

Notes

[1Une partie du Rhin vient de paraître.

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