Guernesey, 21 juillet 1860, samedi matin, 7 h. ½
Bonjour, mon doux adoré ; bonjour, mon grand SAINT VICTOR (pas de la presse [1]) mais de mon cœur et de l’almanach ; bonjour, je t’envoie un gros bouquet de baisers et de tendresses. Comment vas-tu ce matin, mon cher petit homme ? Tu as dû te coucher tard hier si j’en juge par l’obscurité profonde de ton lucoot au moment où j’entrais dans mon lit. J’espère que tu n’en auras que mieux et que plus dormi. Quant à moi, j’ai assez souffert de l’estomac mais j’ai fini par faire un bon somme vers le matin. Aussi en ce moment je me porte très bien. Je voudrais pouvoir en dire autant du ciel qui me paraît bien malade. Cependant s’il ne pleuvait pas tantôt et que tu veuilles aller à tes pagodes [2], je serais très heureuse de t’y accompagner. Mais j’y pense, a-t-on invité les Marquanda pour aujourd’hui, si c’est aujourd’hui qu’on te souhaite ta fête [3] ? Il serait très fâché qu’on les eût oubliés cette année car d’habitude on les invite toujours à cette occasion. Du reste il est probable que la fête OFFICIELLE n’a pas lieu aujourd’hui à en juger par la tranquillité des habitants de Hauteville House. Dans tous les cas on serait encore [en ?] temps pour prévenir les Marquand sous la rubrique IMPROVISATION. J’ai l’air de me mêler de ce qui ne me regarde pas mais c’est à bonne intention et dans l’intérêt général. Maintenant, mon cher bien-aimé, que j’ai fait mon petit bourdonnement à la tête de ton coche je laisse trottinerb mes pattes de mouche dans la direction qu’elles voudront, sûre qu’elles ne se tromperont pas de route pour aller à ton cœur traînant mon âme [sur ? après ?] elles. Je t’aime mon cher petit Saint.
BnF, Mss, NAF 16381, f. 191
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette
a) « Marquands ».
b) « trotiner ».