Paris, 28 sept[embre 18]70, mercredi matin, 8h.
Bonjour, mon cher doux adoré. Comment as-tu passé la nuit ? Si c’est bien je remercie Dieu pour toi et pour moi. De mon côté j’ai assez bien dormi, mais il y a déjà longtemps que du nord au midi la trompette guerrière [1] fait défiler des troupes nombreuses sous ma fenêtre toutes se dirigeant du côté de la place de la concorde. Cela ne m’empêche pas d’entendre le doux murmure de Petite Jeanne et le commandement militaire du général Petit Georges. Je te gribouille ce papotage sur du hideux papier avec de l’encre plus hideuse encore. J’en ferai acheter d’autre. Peut-être irai-je tantôt au magasin du Louvre pour acheter quelques tabliers blancs tout faits. Je me servirai pour cela de l’argent de Suzanne et je serai pas longtemps dans le cas où tu viendrais plutôt que de coutume. À ce propos tu serais bien gentil d’aller avec moi voir les fortifications. Cela me donnerait une idée de la défense de Paris et ce serait en même temps une occasion de promenade. Après cela je sais que tu as beaucoup à faire en dehors de ton travail proprement dit. Aussi je ne crois pas au succès de ma requête et je m’y résigne d’avance. Pourvu que tu m’aimes le reste m’importe peu.
MV-MVH, Villequier, Inv. n° 1959.6.1[170]
Transcription de Marie-Jean Mazurier