14 mai 1872

Paris, 14 mai [18]72, mardi matin, 10 h

Cher bien-aimé, j’ai tenu à t’envoyer ce matin la copie de la lettre de Rochefort, pensant que tout cela pouvait être pressé et [à] te donner en même temps avis que P. Meurice enverra chercher à midi chez toi ta lettre qui doit paraître dans Le Peuple souverain demain mercredi [1]. Maintenant que j’ai rempli ces deux petits devoirs, je m’en récompense largement en me payant ma restitus séance tenante. J’espère que tu as passé une bonne nuit et tes petits-enfants aussi. Ces chers petits étaient vraiment adorables tous les deux à table hier. Oh ! que j’aime bien mieux ces chers petits dévorants-là que les vieux dîneurs blasés que tu m’imposes tous les jours. Pas tous les jours ? Si, tous les jours ! Tous les jours ? Tous les jours. Oh ! tous les jours… ? TOUS LES JOURS… jusqu’à la consommation de mes durs biffsteacks^a et de mes vieux jours. Tiens, je crois que je fais des vers ! Quel malheur que cette primeur ne puisse remplacer les petits pois ce soir. Bon, voilà cette inepte Suzanne qui revient sans avoir pensé à te demander si tu avais quelqu’un à dîner aujourd’hui. Je la renvoie au risque de t’agacer beaucoup. Tout cela, mon grand petit homme, ne vaut pas l’honneur d’être dit ni chanté mais tient de la place et me fournit le prétexte de te donner le meilleur de mon cœur tous les matins.

BnF, Mss, NAF 16393, f. 134
Transcription de Guy Rosa

a) On conserve volontairement l’orthographe de Juliette.