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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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28 mai 1870

Guernesey, 28 mai [18]70, samedi, 3 h. ½ après midi

Cher adoré, c’est encore la même rengaine aujourd’hui qu’hier pour mon pauvre gribouillis. Je donne à tous les diables fêtes de saints et de rois [1] qui apportent tout ce trouble dans mes douces habitudes. De toutes les servardes que j’ai eues dans ce pays-ci la jeune Henriette est bien certainement la plus frivole et la plus avide des plaisirs bêtes et de la couraillerie à propos de tout et de rien. L’expérience m’a démontré que je ne gagnerais rien à résister et encore moins à la changer donc je la garde en attendant pis. J’ai passé presque toute la journée à achever son ouvrage, ce qui m’a un peu fatiguée. Mais j’aurai le temps de me reposer d’ici au dîner et je tâcherai d’être aussi aimable que tu es bon, ce qui n’est pas peu dire. J’avais encore une demi bouteille de vinaigre de rose que je viens de verser dans ma belle cassolette. J’y ai ajouté quelques gouttes d’eau de Cologne, ce qui lui donne un parfum de vinaigre de Bully [2] tout à fait agréable. Tu m’en donneras de bonnes nouvelles tantôt. J’espère bien cependant te voir d’ici-là soit au commencement ou à la fin de ton passus. En attendant je t’adore.

BnF, Mss, NAF 16391, f. 148
Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette

Notes

[1La reine Victoria est en visite.

[2Vinaigre de parfumerie.

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