Guernesey, 3 mars [18]70, jeudi matin
Bonjour, mon adorable grand bien-aimé, bonjour, je baise tes pieds et tes ailes. Je suis bien honteuse et bien malheureuse aussi d’avoir la souffrance si maussade et si impatiente. Je te demande pardon pour elle et pour moi et je te supplie, quand cela m’arrivera, de me traiter comme je le mérite en ne faisant pas attention à mes bobos et tu verras que cela se passera tout de suite. J’espère que tu as mieux dormi cette nuit que l’autre et que tu souffres moins de ta douleur. Il fait un temps exquis ce matin qui doit te faire grand bien, ce qui me réjouit le cœur et l’âme. Tu as mille fois et tristement raison dans ton opinion sur ton voisin [1]. Et sur son entourage suspect. Mais le moyen d’arrêter peut-être sa profonde et noire ingratitude c’est de lui ôter tout prétexte de se plaindre de ton apparente indifférence pour son état maladif en allant le voir un peu plus souvent. Je te dis cela comme je te dis tout avec le sentiment de la vénération et de l’adoration le plus entier.
BnF, Mss, NAF 16391, f. 63
Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette