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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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30 décembre [1836], vendredi, midi ½

Je vous aime, Toto. Je t’aime, mon Victor. Tu es toujours mon bien aimé, tu es toujours la joie et le bonheur de ma vie. Sans doute j’ai eu tort puisquea je t’ai déplu. Il n’y a pas de preuve plus convaincante que le malheur-là. Mais je te promets et je me promets de ne plus retomber dans la même faute.
Ne t’effraie pas si tu me trouves au lit, si je suis un peu souffreteuse, il fait froid et je crois d’une meilleure hygiène de rester couchée aujourd’hui.
Tu as été bien bon hier, je t’en ai bien tenu compte car je t’aimais plus que jamais je ne l’avais fait. Vous êtes encore aujourd’hui plus aimé que tout. Vous êtes mon adoré, vous êtes mon maître, vous êtes mon VIEUX TYRAN.
Je peux à peine vous écrire, parce que les yeux me sortent de la tête et la tête des yeux, ce qui fait un spectacle pittoresque, mais peu propice au style épistolaire.
Je vous baise sur votre méchante bouche et sur vos pauvres yeux pour les guérir.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16328, f. 289-290
Transcription de Claudia Cardona assistée de Florence Naugrette

a) « puisque ce que ».


30 décembre [1836], vendredi soir, 5 h.

Je vous écris sur pied mon cher petit homme. J’avais trop mal à la tête pour rester plus longtemps au lit. Vous êtes parti bien précipitamment tantôt. Au reste vous avez peut-être bien fait car je n’étais pas belle à voir et pas très amusante à entendre. J’avais espéré, mon cher bien-aimé, que vous m’écririez un petit mot de consolation et j’avais déjà économisé trois sous pour le payer, mais votre système ne vous a pas permis de me m’octroyer cette faveur. Vous avez craint peut-être de provoquer une nouvelle dépense inutile. Si je n’approuve pas tous les perfectionnements de votre système, je m’y soumets. C’est encore une preuve d’amour que je suis heureuse de vous donner dans l’occasion.
Jour, mon petit Toto. J’ai très de mal à mes yeux et je suis 712 [1] mais cela est. Je suis horrible. À nous deux nous pouvons jouer ZÉMIRE ET AZOR [2], vous Zémire, moi AZOR. Je suis toute prête, voyez plutôta, du moment qu’on aime on devient si doux, et je suis moi-même, etc., votre pauvre bête maltraitée mais qui vous aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16328, f. 291-292
Transcription de Claudia Cardona assistée de Florence Naugrette

a) « plus tôt ».

Notes

[1À élucider.

[2Zémire et Azor est un opéra-ballet en quatre actes d’André Grétry, livret de Jean-François Marmontel, chorégraphie de Gaëtan Vestris, d’après Amour par amour de Pierre-Claude Nivelle de La Chaussée, s’inspirant lui-même du conte La Belle et la Bête de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont. Il fut créé devant la cour à Fontainebleau, le 9 novembre 1771, puis à la Comédie-Italienne à Paris, le 16 novembre 1771. Si Juliette inverse ici les rôles féminin et masculin, c’est que dans l’opéra de Grétry, le monstre, c’est Azor. Celui-ci sauve le père de Zémire, exige de lui l’amour d’une de ses trois filles. Zémire se sacrifie, et finira par délivrer le monstre de sa malédiction : il redeviendra un beau jeune homme qu’elle pourra aimer pleinement. Juliette Drouet cite l’ariette d’Azor (Acte III, scène 5) : « Du moment qu’on aime, / On devient si doux./ Et je suis moi-même / Plus tremblant que vous. »

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