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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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27 décembre [1836], mardi matin, 11 h. ¼

Bonjour mon petit bien-aimé. Avez-vous passé une bonne nuit ? Et m’aimez-vous un peu plus qu’hier soir, où vous vous moquiez de moi au risque de me faire du chagrin pour le reste de la nuit ? Quand je vois votre petite mine moqueuse faire semblant de douter de mon amour dans le moment où je voudrais en donner des preuves surhumaines, alors je suis portée à croire que vous ne m’aimez pas, et même que vous n’avez aucune pitié pour des souffrances bien atroces. Si je me trompe, mon petit homme, je vous en demande bien pardon de tout mon cœur et je ne demande pas mieux que de baiser humblement vos petits pieds en signe de repentir.
J’ai eu une assez mauvaise nuit ; je ne crois pas avoir une beaucoup meilleure journée car je pense que vous serez absent, pour moi, tout le jour. Je vous promets cependant, mon cher adoré, d’avoir du courage et de la patience en vous attendant. Couvrez-vous bien, si vous sortez et ayez soin que vous bottes ne prennent pas l’humidité. C’est très essentiel – cela.
Je vous aime, mon petit Toto, je vous aime cruellement car je souffre plus souvent que je ne ris avec cet amour là. Pourtant j’aimerais mieux mourir que d’y renoncer, car mon amour c’est plus que la vie de mon corps, c’est la vie de mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16328, f. 283-284
Transcription de Claudia Cardona assistée de Florence Naugrette


27 décembre [1836], mardi soir, 4 h.

Je savais bien, mon cher petit homme, que me délaisseriez encore aujourd’hui. Aussi suis-je triste, triste.
J’ai eu tantôt le Barthès à déjeuner. J’avais déjà déjeuné lorsqu’il est venu. Aussi a-t-il mangé seul. Il aurait bien désiré te voir, mais je l’ai bien vite désabusé dans cet espoir chimérique. Il m’a demandé beaucoup de choses que je te dirai quand nous nous verrons, ce qui est plus éloigné que le Groenlandª. Enfin, quand nous nous verrons, donc, je te raconterai sa conversation. Et si tu veux bien le permettre, je te dirai quelque chose de mon cœur à moins que cela ne t’ennuie.
J’ai eu si froid aujourd’hui que j’ai été forcée de renoncer à la robe mousseline laine au moins pour le moment.
Je vous aime mon Toto, j’ai bien de la neige et de la glace sur mon bonheur. Dieu veuille que ses racines n’en soient pas gelées. Vous devriez bien faire fondre tout ce froid mortel d’un rayon de votre soleil. Après avoir méprisé et refusé mon cadeau, vous ne me mettez pas à même de gagner beaucoup d’argent pour vous en offrir un autre. Est-ce que c’est bien, cette conduite là, dites ? Moi je vous aime, mais je vous aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16328, f. 285-286
Transcription de Claudia Cardona assistée de Florence Naugrette

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