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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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10 décembre [1836], samedi, midi ½

Bonjour mon [cher  ?] bien-aimé. J’espère que tu as passé une meilleure nuit que moi ! À quatre heures de matin je n’étais pas encore endormie. Je sens que cela me fatigue horriblement, outre l’inflammation de poitrine que je ressens et que j’attribue à cette espèce d’insomnie de toutes les nuits, comme je te le dis. J’espère que tu n’auras pas suivi mon exemple cette nuit, et que tu te seras couché en rentrant et que vous vous serez endormi en pensant à moi.
Quoiqu’il fasse beau à présent je ne crois pas prudent d’aller chercher la bonne aujourd’hui ; il a trop plu hier et cette nuit pour le faire sans inconvénients. D’ailleurs je ferais comme vous voudriez. Je vous n’aime [1] ainsi. Quel dommage que mes rêves soient toujours si tristes, sans cela je pourrais dire que je pense toujours à vous et que je suis toujours heureuse.
Bonjour mon petit homme chéri ! Je vous aime de tout mon cœur et quoique je ne vous écrive qu’avec de la simple encre, je sens bien que mon âme s’y mêle pour vous donner une marque d’amour dans chacune des lettres et chacune des virgules que j’écris.
Vous comprenez que je n’ai pas la prétention de savoir si je vous écris [réellement ?], mais j’ai celle de vous aimer parfaitement, ce qui me permet d’être extraordinairement bête, parce que l’amour rend ordinairement ce service là. Aussi vous pouvez voir à quel point je vous aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16328, f. 225-226
Transcription de Claudia Cardona assistée de Florence Naugrette


10 décembre [1836], samedi soir, 5 h. ¾

Mon cher petit homme bien aimé, vous ne tenez jamais vos promesses. Vous êtes un affreux Toto. Quel dommage que je vous aime trop pour vous dire vos hideuses vérités. Mais amoureuse comme une vieille bête que je suis, je me borne à les penser tout bas tout bas pour que mon cœur n’entende pas.
Je n’ai pas encore eu le temps de lire un seul de vos journaux amusants et je me suis travaillé la tête avec un soin extrême et je n’en suis pas plus jeune ni plus jolie pour cela. C’est vraiment décourageant.
Vous sentez que d’après votre manière d’être je compte très peu sur le [illis.] ce soir et que je tâcherai de me coucher le plus tôt possible pour économiser ma légère FALOURDE [2], et puis aussi pour reposer mon dos et ma poitrine qui me font très mal.
J’espère que je m’exécute de bonne grâce et que vous me saurez gré de ne pas mettre votre mauvaise foi à une nouvelle épreuve. Permettez cependant que je vous baise comme il convient depuis le dessous de vos pieds jusque sur le dessus de vos cheveux et très tendrement.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16328, f. 227-228
Transcription de Claudia Cardona assistée de Florence Naugrette

Notes

[1La négation est volontaire et hypocoristique.

[2Falourde : fagot de buches (régionalisme).

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