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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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25 novembre [1836], vendredi soir, 5 h.

Comme je n’ai pas pu t’écrire ce matin, selon mon habitude, mon cher bien aimé, je vais t’écrire une grosse et grande lettre ce soir.
D’abord je vous aime mon Toto, et puis enfin je vous aime ce qui me paraît très varié.
Vous étiez fièrement paré aujourd’hui, cet équipement me paraît un peu menaçant pour mon repos.
Diable, diable. Vous êtes beaucoup trop farauda [1] pour ma tranquillité présente et à venirb, j’espère que l’influence vendredique viendra à mon secours, et qu’avant trois jours vous serez métamorphosé en [illis.] à la barbe près. Je fais des vœux pour cela, je ne vous le cache pas, car il est par trop insolent - pour moi, pauvre guenillon, le genre que vous avez adopté depuis quelque temps. Autrefois vous laissiez aux crétins millionnaires ce ridicule avantage. A présent, depuis votre conquête de l’opéra vous croyez devoir lutter avec les stupides de l’endroit. Allez, mais prenez garde aux ACCIDENTS.
Vous irez sans doute ce soir à l’opéra [2] et moi, j’irai au Diable une bonne fois pour ne plus revenir.
Comme vous êtes venu me prendre pour marcher un peu, voilà plus d’un mois que je ne suis sortie, excepté deux ou trois fois le soir par la pluie et le brouillard et en voiture comme hier.
Je ne voudrais pourtant pas t’ennuyer ni me plaindre, mais cependant il est triste d’altérer sa santé sans aucun profit pour toi, ni mérite apparent pour moi.
J’ai très mal à la tête, somme toute je suis malingre et triste. Toujours est-il que je t’aime, et que toutes les souffrances du corps et de l’âme ne sont pas capables d’altérer en rien l’amour que j’ai pour toi.
Ceci est et restera pour moi une vérité éternelle : je t’aime !
Je n’ai pas de feu, il fait froid, j’ai mal à la tête, je suis jalouse et bête. Et cependant, mon Toto, je t’adore.
À bientôt, si tu as pour moi un peu du grand amour que j’ai pour toi. En attendant je pense à toi, je te baise en désir.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16328, f. 175-176
Transcription de Claudia Cardona assistée de Florence Naugrette

a) « farot ».
b) « avenir ».

Notes

[1Faraud : Qui affecte l’élégance.

[2La Esmeralda, opéra de Louise Bertin sur un livret de Victor Hugo, a été créé à l’Opéra le 14 novembre 1836.

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