Guernesey, 29 juillet 1859, vendredi, 8 h. du m[atin]
Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, mon pauvre divin piocheur, bonjour. Quand donc pourras-tu te reposer et prendre un peu de doux et de vrai loisir en ce monde ? Je crois que cela ne sera jamais en ton pouvoir et encore moins dans ton goût. En attendant je m’effraye de te voir chaque jour aux prises avec ces travaux opiniâtres et surhumains. Je crains que tes forces physiques ne suffisent pas toujours à ton inspiration sans borne et que ta santé ne finisse par s’altérer gravement. Cher adoré, mon bonheur, ma joie, ma vie, tâche de te ménager un peu et de te reposer, le temps au moins de guérir ton mal de tête et de reprendre des forces. Heureusement, tes femmes arrivent demain, elles feront une heureuse diversion à tes fatigues. Quant à moi, je commence aujourd’hui la copie de ta Vision [1]. Je viens de tailler toutes nos affreuses plumes à cette intention, nous verrons si j’en écrirai mieux pour cela. Comment as-tu passé la nuit, mon cher petit homme ? Comment vas-tu ce matin ? Tu me le diras bientôt, je l’espère, avec un sourire et dans un baiser. Jusque là, je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16380, f. 170
Transcription de Mélanie Leclère assistée de Florence Naugrette