Guernesey, 27 mai [18]68, mercredi, 7 h. ½ du m[atin]
Les nuits se suivent et ne se ressemblent pas, mon cher bien-aimé. Je viens d’en faire une fois de plus la maussade expérience. Celle-ci, par exemple, a été particulièrement blanche, non pas que j’aie beaucoup souffert, pourtant j’espère que tu auras eu le bon esprit de faire ta nuit bonne et double afin de me rabibocher de la mienne et de maintenir ainsi l’équilibre du bon et du bien entre nous deux. Je suis tellement agitée encore que je ne peux pas tenir ni conduire ma plume en ce moment. Je ne sais pas à quoi cela peut tenir car je n’ai fait aucune infraction à mon régime habituel. J’ai de plus un fort rhume de cerveau, ce qui me fait craindre de t’embrasser même à distance dans la crainte de te le communiquer.
Je me borne à t’adorer de loin.
BnF, Mss, NAF 16389, f. 147
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette