26 avril [1847], lundi matin, 9 h.
Bonjour mon Toto, toujours plus Toto et toujours plus aimé, bonjour qu’on vous dit et vous ? Je fais déjà mes préparatifs pour vous aller chercher tantôt à la Chambre. J’espère que vous ne vous y opposerez pas. J’espère aussi que vous voudrez bien me rapporter mon dessin que je vous ai prêté par complaisance. Les quinze jours sont expirés et je désire rentrer dans mon bien tout de suite, entendez-vous. J’ai vu M. Vilain hier il n’est resté qu’un moment bien qu’il se soit en allé chez toi assez tard. Eugénie est arrivée en même temps que tu t’en allais. Comme Mme Triger était là elle ne m’a rien dit de ses affaires et je n’en ai pas été fâchée. J’aime mieux qu’elle ne m’en entretienne jamais. Quoique le robinet des bons conseils soit facile à ouvrir je ne connais rien de plus bête que de le laisser couler en pure perte sur des esprits qui n’en sauront tirer aucun profit. Mais je te dis là des choses, des folies [1]. C’est vrai à quoi cela sert-il aussi que je te rabâche ma réflexion sur Eugénie et le plus ou moins d’inutilité des bons avis que je peux lui donner ? à rien si ce n’est à t’ennuyera et à tenir de la place sur mon papier déjà trop petit si je le mesure à mon amour et aux nombres infinis de baisers que je voudrais te donner. Juju est une vieille bête. Il y a longtemps que cette vérité s’est fait jour dans votre esprit et dans le mien et je n’en suis pas plus fière pour cela. Baisez-moi et aimez-moi à deux mains trois cœurs ainsi que je le fais de vous.
Juliette
Collection particulière (Vente du 24 août 2019 à Fécamp, Chalot & associés)
Transcription de Florence Naugrette
a) « ennuier ».