Guernesey, 13 février [18]70, dimanche, 8 h. du m[atin]
Je t’aime. Colle-toi ça dans le fusil [1]. Comment la nuit ? La mienne a été un mélange de blanc, de noir et de gris assez peu réjouissant mais j’en fais bon marché à Dieu si la tienne a été d’argent, d’or et de Diiiiamant. Je crains qu’il n’y ait des avaries à MON toit de MA maison car il y a d’énormes ardoises tombées justement devant ma ditea maison. Voilà ce que c’est que d’être propriétaire ! C’est bien fait ! Et usure fruitière [2] encore !!! La tourmente continue mais le froid mollit un peu, ce qui est bien désirable pour les pauvres misérables sans feu, ni lieu et sans pain. À ce sujet, mon grand charitable, j’appelle ton attention sur l’emploi qu’en fait Marie car il ne serait pas juste que tu payasses deux fois le pain qu’elle donne et qu’elle te compte chaque semaine dans ta dépense. Je n’ai pas voulu t’en faire l’observation hier devant Mme Chenay ; mais ou tu te trompes, ou elle te trompe, c’est à toi d’éclaircir le fait. Toutes les semaines tu donnes en moyenne pour vingt et vingt-cinq francs de pain. Te voilà renseigné, c’est tout ce que je peux faire. Tiens-toi bien chaudement, soigne-toi bien et aime-moi. Je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16391, f. 44
Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette
a) « dites ».