Guernesey, 12 février [18]70, samedi, 8 h. du m[atin]
Cher adoré, je t’envoie mon plus tendre bonjour au risque qu’il soit emporté dans un tourbillon de neige ou qu’il gèle en route. On se croirait en Laponie chez moi. Depuis près d’une heure nous sommes occupées à essayer d’ouvrir les portes de notre hutte scellée par la neige et par la glace. Suzanne intrépide comme toujours, s’y dévoue cœur, corps et pattes. Mais ce qui est navrant c’est la maison de nos poules passée à l’état de tanièrea d’ours blancs. Que faire ? Tout est encombré et traversé de part en part chez moi par la neige. La serre, elle- même, en est toute remplie. On en a enlevé un grand seaub tout plein rien que dans ma chambre. Nos pauvres chats effrayés par l’obscurité des vitres masquées de poudrin [1] poussent des miaulements plaintifs. J’ai presque envie d’en faire autant pour terminer ce gribouillis lamentable. Toute réflexion faite je préfère rugir « je t’adore », cela me va mieux.
BnF, Mss, NAF 16391, f. 43
Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette
a) « tannière ».
b) « sceau ».