Guernesey, 9 avril [18]68, jeudi matin, 6 h. ½
Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour, sois béni. Je sais que tu viens de te lever car je te guettais au passage depuis plus d’un quart d’heure dans l’espérance de te happer au vol de la serviette ; mais cette fois encore, j’en suis pour ma faction car tu as parua et disparu entre deux clins d’œil. Je m’en venge en redoublant de tendresse et d’amour. QU’AVEZ-VOUS À RÉPONDRE ? Je voudrais bien savoir aussi, si ce n’est pas indiscret de te le demander, ce que tu as eu hier au soir qui t’a contrarié au point de changer subitement ta bonne et douce gaîté si expansive et si communicative en une réserve, sinon triste, morose ? Si j’y suis pour quelque chose, c’est bien à mon insub et je t’en demande pardon d’avance en te promettant de ne plus retomber dans mon tort ou ma faute involontaire. Cela me sera d’autant plus facile que je mets mon orgueil et ma joie, mon honneur et mon bonheur à te complaire en tout. Je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16389, f. 101
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « tu a paru ».
b) « à mon insue ».