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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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17 décembre [1840], jeudi matin, 11 h. ¾

Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour mon Toto chéri. Je ne te gronde pas, mon pauvre amour, mais je commence à m’inquiéter parce que je suis sûre que tu passes toutes tes nuits à travailler, ce qui peut te rendre bien malade par le froid qui fait. Je t’en prie bien, mon adoré, repose-toi un peu et donne-moi par la même occasion quelques matinées de bonheur. Je t’en prie, je t’en prie de toute mon âme, mon Toto bien-aimé. Je viens d’envoyer le commissionnaire chez Mme Krafft. Suzanne est allée chez Carcel [1] ce matin, tout à l’heure je me lèverai quand le feu sera allumé. Mes cinq chemises ont fait leur devoir, cette nuit j’ai eu moins froid qu’à l’ordinaire mais à deux pouces de mon corps les draps étaient gelés. Je ne sais pas comment tu peux tenir dans une chambre sans feu même quand tu ne ferais que t’y coucher quelques heures car je regarde comme impossible et trop imprudent d’y travailler ni jour ni nuit. Je voudrais, mon petit homme, que tu reprisses l’habitude de me donner si peu de temps que tu prends pour te reposer, j’en profiterais et tu n’en serais pas plus malade car j’aurais bien soin de toi. Je te caresserais bien, je te dorloteraisa bien, je t’adorerais bien. Je suis ravie d’avoir mon cher petit volume [2], je ne le donnerais pas pour un tout en or et tout en diamants. Merci mon Toto, merci mon amour, mais il faut venir déjeuner avec ta pauvre Juju pour que le bonheur soit complet.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16343, f. 243-244
Transcription de Chantal Brière

a) « dorlotterais ».


17 décembre [1840], jeudi soir, 5 h. ½

Je m’aperçoisa, mon adoré, que ma pendule est arrêtée, je ne sais donc pas l’heure qu’il est. Ce que je sais par exemple trop bien c’est qu’il fait un froid de loup et que tout gèle chez moi et que je ne vous vois pas du tout. Ces deux choses réunies ne font rien moins que me réchauffer le corps et l’imagination. Si cela continue, je donnerai ma démission de femme de ménage et d’amoureuse puisque je ne suis pas plus récompensée que cela de mon zèle. J’ai envoyé le commissionnaire tantôt chez Mme Krafft qui a fait dire qu’elle remerciait bien, voilà tout. J’ai vu Penaillon à qui j’ai acheté 4 mouchoirs dont 1 en foulard de coton pour galvauder comme on veut. Il coûte vingt sous et les trois autres sont en très bonne batiste et me coûtent 7 f. 5 sous, ce qui fait en tout 8 f 5 s. Je n’ai plus d’argent et la bonne avancera tout à l’heure 9 f. pour du charbon. J’ai passé toutes mes fleurs dans le cabinet de toilette pour ne pas faire de feu dans la salle à manger. J’ai peur seulement que ma fontaine ne se casse sib le froid augmente. Enfin je fais tout ce que je peux jusqu’à mettre une couverture dessus mais après cela je ne peux y mettre le bout de mon nez car il n’est pas beaucoup plus chaud qu’elle.
Quand donc viendrez-vous mon petit homme ? Je suis vraiment très triste et très découragée de ne pas te voir plus que ça. Je t’aime, mon Toto, j’ai besoin de te voir, de te parler, de te caresser et de t’adorer.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16343, f. 245-246
Transcription de Chantal Brière

a) « m’apperçois ».
b) « s’il ».

Notes

[1L’horloger Bertrand Guillaume Carcel (1750-1812) est l’inventeur d’une lampe dans laquelle l’huile s’élève vers la mèche grâce à un mécanisme de rouages et d’un piston. Cette lampe qui porte son nom sera perfectionnée et commercialisée par ses successeurs.

[2La brochure qui contient le poème « Le retour de l’Empereur ».

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