Paris, 22 juin [18]74, lundi soir, 6 h.
Après t’avoir trop écrit hier, mon cher bien-aimé, j’allais me trouver forcée de ne pas t’écrire du tout aujourd’hui, faute d’un peu de papier. Après quelques discrètes hésitations, j’ai pris le parti d’en aller quêter quelques bribes chez toi tout à l’heure et c’est Berru qui en a fait tous [les] frais ; je reconnais bien là son obligeance habituelle. Grâce à lui, je vais pouvoir lâcher la bride à mon cœur qui s’impatiente depuis ce matin contre les obstacles de toutea espèce qui l’empêchent de galoperb vers toi. Puisse-t-il rencontrer tout de suite l’heureux omnibus où tu perches, dût-il s’y atteler lui-même pour te ramener le plus vite possible sain et sauf vers moi. À ce propos, je te permets d’aimer, de protéger, de glorifier la noble et vaillante Cuba. Quant à toutes les autres, je m’y oppose absolument. Bisquez, si vous voulez, cela m’est bien égal. Mariette, qui vient de chez Mme Paul Meurice, me dit qu’elle désire te voir et Clémence affirme que cela lui fait un vrai bien pendant quelques jours. Pauvre femme, comme elle t’aime, comme elle te comprend et avec quelle tendre sollicitude elle allait au devant de tous tes besoins pendant le siège [1]. Je ne l’ai pas oublié et je l’aime pour tout ce qu’elle t’a montré de dévouement après notre rentrée à Paris. Il faut aller la voir, cela lui fera du bien et cela nous portera bonheur.
BnF, Mss, NAF 16395, f. 116
Transcription de Véronique Heute assistée de Florence Naugrette
a) « tout ».
b) « galopper ».