Paris, 17 juin [18]74, mercredi, 10 h. du matin
Bonjour, mon cher bien-aimé adoré, bonjour, comment ta nuit ? Bonne, n’est-ce pas ? La mienne doit l’être aussi, il faut qu’elle le soit, elle l’est : attrapéa !!! D’ailleurs, il ne s’agit plus ce matin d’écouter des pets de travers, il s’agit de remmaillerb [1] une nouvelle cuisinière, ce qui n’est pas une petite besogne, je t’assure. Celle d’aujourd’hui, maniérée et melliflue [2], semble très ferrée sur les chauds-froids, les petits plats et les grands. Nous verrons bientôt le fond de son talent et de ses casseroles. En attendant, Henriette est allée avec elle pour lui montrer les fournisseurs. J’espère que cette formalité ne les attardera pas pour le déjeuner. Es-tu déjà sorti ce matin ? Personne ne peut me le dire. Ce qui n’est pas douteux pour moi, c’est que je t’aime aux quatre points cardinaux et aux quatre vents de l’Esprit [3], du corpsc [4], du cœur et de l’âme. Tu es arrivé fort à temps pour recevoir l’explication honnête de ce mot que je modifie par je t’adore.
Nota bene : ici on ne rit pas.
BnF, Mss, NAF 16395, f. 112
Transcription de Véronique Heute assistée de Florence Naugrette
a) « attrappé ».
b) « renmailler ».
c) Une croix avec quatre points est placée entre les deux lignes et renvoie à « Nota bene ».