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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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12 février [1840], mercredi après-midi, 1 h.

Bonjour mon Toto chéri, je t’aime. Je t’aurais écrit plus tôta si ce n’était que j’ai eu la visite de Jourdain qui venait me demander à régler définitivement le compte ancien. Je lui ai dit d’attendre au mois prochain que les jours seraient plus longs et que j’aurais plus le temps de m’en occuper ; il y a consenti sans observation. Mme Guérard viendra un de ces jours, en attendant son mari est plus fou que jamais et ne souvient plus qu’il a une femme, une maison etc. Il court comme un fou qu’il est toute la journée dans sa maison de santé et mange comme quatre. Voilà les nouvelles que m’a rapportées Suzanne ce matin. Mais revenons à nous, mon amour : comment vas-tu ? Comment m’aimes-tu ? Je suis plus triste que jamais aujourd’hui, je pense aux stupiditésb que je t’ai dites cette nuit et je ne te crois pas assez d’amour pour être invulnérable sous les paroles amères, extravagantesc et insensées que mon désespoir me fait dire. Aussi tu penses quelle gentille petite nuit j’ai passée et dans quel état je suis dans ce moment-ci. Il ne faudrait rien moins que toi, ton ravissant sourire et tes douces paroles pour me donner de la confiance et de la joie mais hélasd.
Il fait cependant un bien beau temps. Ne crois pas que je te dise cela pour que tu me mènes chez la mère Pierceau car Mme Triger l’a invitée l’autre fois devant moi à y aller dîner aujourd’hui au lieu de demain. Ainsi ce que je te dis est tout à fait désintéressé et je puis le répéter d’autant plus qu’il fait très beau et très doux. Je t’aime mon petit o, c’est le commencement, le milieu et la fin de ma lettre comme de mes pensées et de ma vie.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 152-153
Transcription de Chantal Brière

a) « plutôt ».
b) « stupiditées ».
c) « extravaguantes ».
d) Un trait se prolonge jusqu’à la fin de la ligne.


12 février, mercredi soir, 4 h. ¾

Je t’aime, mon Toto, crois-le bien car c’est bien la vraie vérité. Je ne t’ai pas vu d’aujourd’hui mais je sais combien tu as à faire et je ne t’en veux pas. Tu verras même que je serai très gentille quand tu viendras. J’empoisone l’eau de Cologne parce que voilà deux heures que je brosse et que je nettoiea ma robe de veloursb à fond, j’ai aussi dégraissé mon tablier avec du talc que j’ai envoyé chercher ce matin ; bref je suis propre mais je sens trop bon et j’ai trop mal à la tête. Tu oublies tous les jours, mon adoré, de m’apporter à copier cependant j’en ai bien besoin car le plaisir de lire le docteur [Benedict ?] [1] ou de raccommoder mes Zaillons est excessivement monotone et borné et je ne serais pas fâchée de renouvelerc mes jouissancesd par vous. Si vous étiez venu, vieux vilain, je serais sortie avec vous où vous auriez voulu, de ce temps-là peu importe le lieu, et d’ailleurs je ne suis pas difficile quand je suis avec vous ; mais vous vous en êtes donné de garde, vous ne donnez pas comme ça votre temps et votre peine, vous, vous vous ménagez pour quand il pleuvra à versee. Voime voime, Toto est bien i. Je n’ose plus parler des culottes car sans les avoir jamais eues, elles sont usées jusqu’à la corde et ne supportentf même plus la réclamation que je pourrais faire là-dessus. Aussi je me tais et je n’en pense pas moins. Quand te verrai-je, mon Toto ? J’ai bien besoin de reprendre des forces et du courage dans tes baisers. Je t’aime mon Toto.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 154-155
Transcription de Chantal Brière

a) « nétoye ».
b) « velour ».
c) « renouveller ».
d) « jouissance ».
e) « averse ».
f) « supporte ».

Notes

[1A élucider.

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