Guernesey, 8 mars 1868, dimanche, 10 h. du matin
Je ne veux pas juger de ta nuit par la mienne, mon cher adoré, pour n’avoir pas à te plaindre. J’aime mieux, au contraire, penser que tu as très bien dormi toute la nuit, cela fera compensation à mon insomnie carabinée de douleurs, de crampes et de pyrosisa [1]. Il y avait longtemps que je ne m’étais trouvée à pareille fête et j’espère ne pas m’y rencontrer de si tôt. En attendant, m’en voici HORTE, comme on dit ici, et j’en suis bien aise.
Je ne sais pas à quelle heure tu t’es levé parce que je n’ai ouvert ma porte qu’à huit heures et que j’étais encore trop souffrante à ce moment-là pour aller jusqu’à mon cabinet de toilette. Mon mal avait de l’analogie avec le temps. C’était les mêmes bourrasques en moi que celles du dehors. C’est aussi en ce moment le même apaisementb et le même rayon de santé intérieure que celui qui brille au ciel. Cela durera ce que cela durera mais je t’adore invariablement.
BnF, Mss, NAF 16389, f. 69
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « pyrhosis ».
b) « le même appaisement ».