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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 14 décembre 1852, mardi matin 8 h.

Bonjour, mon grand bien-aimé, bonjour mon doux adoré, bonjour. Il y a un an ce matin que je me suis réunie à toi dans l’exil avec l’espérance de te servir, de t’aimer et de mourir pour toi [1]. Jusqu’à présent, mon pauvre bien-aimé, mon dévouement t’est parfaitement inutile et mon amour n’a fait qu’augmenter encore, si c’est possible. Maintenant j’attends l’occasion de te donner ma vie d’un seul trait, trop heureuse si c’est pour assurer ton repos, ta gloire et ton bonheur.
Comment vas-tu, mon cher petit homme ? As-tu bien dormi cette nuit ? Je crains que l’inquiétude de ton fils, jointe à la fatigue de ton travail, ne t’aient empêché de dormir. Je serai bien contente si je me suis trompée. En attendant, mon cher bien-aimé, je t’aime, je pense à toi, je t’attends et je t’adore de toutes mes forces.
Je vais écrire tout à l’heure aux Luthereau et à Mme W. [2]. Je tiens à dater ce souvenir du jour où j’ai reçu chez eux l’hospitalité. Et puis je t’aime, mon Victor, dans tout ce que je fais, dans tout ce que je dis, dans tout ce que je pense. Mon amour circule dans mon sang et remplit mon âme. Je t’adore.

Juliette


BnF, Mss, NAF 16372, f. 265-266
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette


Jersey, 14 décembre 1852, après-midi, 1 h.

Je m’attends à ne pas te voir longtemps aujourd’hui, mon doux bien-aimé, et même tout le temps que durera l’absence de ta femme. Et je ne m’en impatiente pas parce que je sens qu’il est nécessaire, qu’il est juste que tu restes le plus possible avec ta chère petite Dédé. Je puise mon courage dans la pensée que tu m’aimes et que tu ne peux plus me tromper. D’ailleurs pourquoi me tromperais-tu, mon pauvre trop aimé, puisque je n’ai jamais eu l’odieuse pensée de m’imposer à toi, puisque je suis plus convaincue que toi-même que le cœur ne se donne pas mais qu’il se prend et qu’un peu moins d’amour c’est pas du tout d’amour. Le jour où tu t’apercevras que je suis un obstacle à ton bonheur, quel qu’ila soit, tu n’as qu’à me faire signe et je m’éloignerai sans murmurer, sans me plaindre, sans même retourner la tête de ton côté. Aussi, mon Victor, je sens qu’il est impossible, toi prévenu de cet honnête et tendre courage, tu aies jamais la lâcheté de me tromper sous quelque prétexte que ce soit. J’en suis si sûre que je t’attends avec toute confiance et en toute sécurité. Heureuse si tu peux venir un moment, résignée d’avance si tu ne le peux pas. En attendant, mon cher petit Toto, voilà un bien affreux temps auquel il ne faut pas t’exposer surtout sans parapluie.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16372, f. 267-268
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

a) « quelqu’il ».

Notes

[1Partie de Paris le 13 décembre 1851, Juliette Drouet rejoint Hugo à Bruxelles le lendemain. Elle fut logée chez ses amis Luthereau.

[2Mme Wilmen.

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