Paris, 9 octobre 1881, dimanche matin, 7 h. ½
Cher bien-aimé, je crois que nous n’avons pas beaucoup à nous louer de cette nuit ni l’un ni l’autre et c’est ce qui me fait trouver ma nuit, à moi, doublement mauvaise. Cependant le temps paraît s’humaniser un peu en ce moment et j’espère que tu en profiteras pour faire un somme de rabiot très prolongé. Moi, pendant ce temps-là, je vais prendre un bain pour me calmer, si c’est possible. En attendant dans ton cabinet tout à l’heure, j’ai trouvé sur le tapis près de la fenêtre, un très beau papillon mort qui était venu là pour s’abriter du froid et de la bourrasquea de cette nuit, probablement. J’ai recueillib pieusement le corps de cette petite âme envolée, comme toutes les autres, dans l’infini où nous la retrouverons peut-être, qui sait ? Je te fais souvenir que c’est aujourd’hui jour de Lesclide, c’est-à-dire jour fastidieux pour toi à cause du travail des lettres qu’il complique et allonge indéfiniment par trop grande recherche de vouloir l’abréger. Je tâcherai de lui faire comprendre qu’en toute chose, trop de zèle nuit, sans l’attrister, toutefois, car il t’est vraiment dévoué. Et puis, hélas ! nous déjeunerons tous les trois ici, dans cette pièce que tu aimes, parce que ni Mme Lockroy ni ses enfants ne serontb avec nous ce matin. Ils vont déjeuner tous les trois chez le père et la mère Lockroy [1]. Heureusement que nous les aurons tous ce soir, ce qui fait une compensation à leur absence ce matin.
Cher bien-aimé, je t’adore à poste fixe.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16402, f. 225
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette
a) « bourasque ».
b) « recueillie ».
c) « serons ».