Paris, 18 avril 1881, lundi matin, 7 h.
Cher bien-aimé, pendant que tu complètesa ta nuit par un petit somme additionnel, moi, je commence ma vie matinale par t’adorer. À chacun son lot, je ne me plains pas du mien, au contraire. J’associe en ce moment à ma dévotion tout ce qui sourit, qui brille, qui chante et qui prie : fleurs qui s’ouvrent, soleil bienfaisant, oiseaux disant leur douce chanson avec un petit bruit de baisers, nones portant leur missel doucement recueilliesb dans l’amour de Dieu. Tout cela fait partie de l’hymne d’amour que mon cœur te dédie. Sois béni ! Sois béni ! Sois béni !
Je te fais te souvenir que tu as à travailler, c’est à dire à fouiller tes malles aujourd’hui avec l’aide du patient et dévoué Lesclide et que Paul Meurice doit venir tantôt chercher les copies et les manuscrits dont il a besoin pour mener à bonne fin l’impression de tes deux nouveaux volumes [1]. Je dis volumes pour ne pas dire chefs-d’œuvrec, ce qui est la même chose quandd il s’agit de toi. Je prévois une journée encore très laborieuse pour toi, mon pauvre génie de somme, pourvu que cela ne te donne pas mal à la tête, c’est ce que je demande à Dieu de toute mon âme.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16402, f. 83
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette
a) « complettes ».
b) « recueillies ».
c) « chef-d’œuvres ».
d) « quant ».