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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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13 décembre [1841], lundi midi

Bonjour mon Toto, bonjour vous que j’aime malgré tout et à cause de tout. Pourquoi n’êtes-vous pas revenu cette nuit ou ce matin me donner des nouvelles de l’incendie ? J’espère que vous n’aurez pas eu le front d’aller fourrer votre nez là où vous n’aviez que faire ? Du reste, j’ai demandé à Suzanne si elle avait entendu parler du feu ce matin et elle m’a dit que non. Je pense que vous vous serez trompé. Pourquoi n’êtes-vous pas venu ce matin, méchant homme ? Il n’y avait pas d’Académie aujourd’hui et vous auriez pu rester coucher jusqu’à demain midi si vous aviez voulu. Les jours se suivent et se ressemblent pour moi, vous ne vous prodiguez pas plus un jour que l’autre. Vous ne venez jamais, c’est plutôt fait. C’est peut-être commode pour vous mais c’est fort embêtant pour moi. Taisez-vous, vilain blagueur, taisez-vous.
Il va cependant falloir vous décider pour la lettre de Mlle Hureau, parce que je lui écrirai avant jeudi que sa lettre est prête et que je désire ne la remettre qu’à elle-même à cause des explications qui l’accompagnent. Je suis fâchée de vous tourmenter ainsi, mon pauvre Toto, mais je ne peux plus reculer ni vous non plus. Il paraît d’ailleurs que c’est le moment de l’avancement pour tous les employés et qu’il faut le saisir sous peine de n’avoir rien. Aussi, je vais vous tourmenter jusqu’à ce que vous m’ayez donné ce chiffon de papier [1].
Baisez-moi, mon Toto, si cela ne vous dérange pas. Baisez-moi encore, pour l’amour de Dieu. Là, c’est fini, à présent vous pouvez essuyer votre bouche et vous en aller. Vous voyez que je suis bien raisonnable et bien discrète et que je n’abuse pas trop de votre fâcheuse position ?

Juliette

BnF, Mss, NAF 16347, f. 205-206
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette


13 décembre [1841], lundi soir, 9 h. ½

Merci mon Toto chéri, merci mon amour, de la bonne petite promenade que tu m’as fait faire ce soir. Cela m’a fait du bien à la tête, au cœur et partout. Merci encore, merci, tu es un bon et ravissant Toto. Je t’aime, tu es mon pauvre amour.
Je venais d’écrire à ton bottier en lui donnant rendez-vous pour demain ou après-demain de 3 à 4 h., en le prévenant que j’ai à lui parler de ta part [2]. J’ai dînéa et fait dîner le sieur Jacquot, qui est plus que jamais ingrat et féroce. Décidément, j’aimerais mieux le pauvre mouton gris que nous avons vu ce soir…….b [3]
COMBIEN FAUT-IL ? COMBIEN FAUT-IL ??? Je donne deux sous de bon cœur et tu feras le reste de l’appoint pour que cet ANGÉLIQUE animal fasse partie de ma ménagerie. IA IA MONSIRE MATAME, C’ÊDRE UN BERROGUET PIEN TOUX ET PIEN CHENTIL BOUR MATAME CHI CHI ET SON BETIT DODO. Toto offre-moi tes dix francs, Toto offre-moi ta main, Toto offre-moi ton cœur, tu verras comment j’agripperaic tout ensemble. Toto viensd coucher avec moi, Toto donne-moi une culotte, Toto donne-moi un baiser, Toto donne-moi ton amour, tu verras avec quelle rapidité, quel empressement et quelle joie je fondrai sur tout ça. Baise-moi, je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16347, f. 207-208
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « dîner ».
b) Les points de suspension courent jusqu’au bout de la ligne.
c) « aggripperai ».
d) « vient ».

Notes

[1Le 25 novembre, la maîtresse d’école a demandé un service à Hugo par le biais de Juliette : sa « protection pour son beau-frère employé à la poste », en laissant « une note explicative de ses antécédents et des droits à la protection et à l’avancement ».

[2Dabat.

[3Il s’agit en fait d’un perroquet gris, que Juliette appellera « le oquet gris » les jours suivants, et qu’elle réclamera à Hugo pour remplacer Jacquot.

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