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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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29 avril [1839], lundi après-midi, 4 h. ¼

Je suis prête depuis déjà longtemps, mon cher petit bien-aimé et vous ne paraissez pas le moins du monde à l’horizon. Vous êtes coutumier du fait, aussi je ne m’en émeus pas et je me résigne même à rester en tête-à-tête avec ma cocotte. À propos d’elle, je vous dirai qu’elle me paraît aller mieux. Je n’ose pas la découvrir pour la regarder mais elle ne fait plus entendre ses plaintes si fort que tantôt.
Vous avez oublié votre montre, mon petit homme, vous étiez si pressé de vous en aller que vous n’avez pensé à rien, pas même à me revenir chercher. Oh vous êtes un charmant petit homme. Voime, voime. a

Juliette

BnF, Mss, NAF 16338, f. 107-108
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) Dessin :

© Bibliothèque Nationale de France

29 avril [1839], lundi soir, 6 h. ½

J’espère que je suis consciencieuse, mon Toto, et que je vous en donne pour votre amabilité. Je vous écris une grande et grosse lettre comme si je n’avais déjà pas donné mon petit contingent chez moi avec un très joli paysage qui fait pâlir tous vos choux et tous vos vieillards. Je vous conseille au reste de ne jamais montrera mes dessins à côté des vôtres si vous ne voulez pas perdre de la haute réputation dont vous jouissez dans le public [1]. C’est un conseil d’amie que je vous donne là. Mme Pierceau était allée porter le dessin chez Mme Krafft, M. Pasquier l’attendait avec impatience. Il paraît qu’il a poussé trois cris de joie, il a dit qu’il écrirait à la : compatriote pour la remercier. Elle est revenue depuis une heure et tout à l’heure nous dînerons, mais cela n’empêche pas mon cher bijou que vous pouvez venir malgré la [illis.] chercher pour DÎNER. Je suis femme à remanger de la VIANDE après avoir broutéb des poissons chez la mère Pierceau. J’ai déjà très bien travaillé. Au reste, ce n’est pas du luxe car aujourd’hui, jour de lessive, je n’aurais pas pu changer de chemise de flanelle si la neuve n’avait pas été faite. Je vous dis tout cela, mon Toto, SANS SUITE, À MA FAÇON MAIS VOUS DEVEZ VOIR QUE J’AI POURTANT BIEN RAISON [2]. Car enfin de quoi voulez-vous que je vous parle une fois que je vous ai dit que je vous aime, que je vous aime et que je vous aime. D’ailleurs ces petits détails de ménage ne sont pas aussi insignifiants qu’ils en ont l’air, car dans tous il y a de l’amour et du dévouement et de l’adoration pour ta chère petite personne bien-aimée. J’enverrai tantôt chez Mme Krafft la petite bonne chercher mes boutons qui sont faits et que Mme Pierceau a oubliés. Comme les rubans des petites Bensancenot sont usés je ne suis pas fâchée de les avoir. Quand je dis que je ne suis pas fâchée, c’est une manière de parler puisqu’il faudra payer le raccommodage et que vu l’état de finance de la Renaissance [3] et autresc, la question devient très ardue et très difficile à résoudre. Je t’aime toi, entends-tu.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16338, f. 109-110
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « montré ».
b) « brouter ».
c) « autre ».

Notes

[1Voir la lettre précédente pour ce dessin de paysage.

[2La Reine à Ruy Blas : « Je te dis tout cela sans suite, à ma façon, / Mais tu dois cependant voir que j’ai bien raison » (Ruy Blas, III, 3)

[3Théâtre de la Renaissance.

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